Homélie

« Yahvé Sabaot prépare pour tous les peuples, sur cette montagne, un festin de viandes grasses... il a fait disparaître la mort à jamais. Le Seigneur Yahvé a essuyé les pleurs sur tous les visages, il ôtera l’opprobre de son peuple sur toute la terre ». Nous avons entendu ce dimanche le rêve du grand prophète Isaïe (Is 25, 6-10). Il écrit ailleurs : « Les nations marcheront à ta lumière et les rois à ta clarté naissante. Lève les yeux aux alentours et regarde : tous sont rassemblés, ils viennent à toi » (Is 60, 3-4). Les paroles du prophète dépassent son époque, elles parlent d’un rêve inscrit au plus profond du cœur des hommes et des femmes de toutes générations, de tout lieu, de toute foi : tant de personnes ont besoin d’une vie pacifiée. Beaucoup désirent s’acheminer vers un nouvel avenir. Tous doivent sortir d’une condition de déshonneur.
Le prophète dit que le banquet est déjà prêt, c’est le Seigneur qui l’a préparé. La vie, la paix, la fraternité sont déjà là, le Seigneur lui-même nous les donne. Pourquoi se désespérer de ne jamais les avoir, se décourager et les trouver si élevées et inaccessibles, puisqu’elles ne sont pas si loin ? Elles sont à notre portée. Le vrai problème est notre refus d’accueillir l’invitation à nous mettre en route vers cette montagne pour participer au banquet de la vie et de la paix. Pris par nos affaires, nous ne tenons pas compte de l’invitation qui nous est adressée et nous méprisons les dons qui nous sont proposés. La défense de nos intérêts personnels à n’importe quel prix nous éloigne de la paix et de la fraternité. En ce sens, la parabole du banquet est claire. Elle a pour principal personnage un roi qui, après avoir préparé un banquet de noce pour son fils, envoie ses serviteurs appeler les invités. Ces derniers, après avoir écouté les serviteurs, refusent l’invitation. Chacun a ses raison, ses occupations parfaitement justifiées : qui dans son champ, qui ailleurs. Tous, cependant, s’accordent à refuser.
Mais le roi ne se rend pas. Il insiste et envoie ses serviteurs renouveler l’invitation. Nous croyons entendre l’apôtre quand il dit qu’il faut annoncer l’Évangile à temps et à contretemps. Or cette fois, les invités non seulement écartent la proposition du roi, mais maltraitent et tuent les serviteurs. C’est ce qui se produit chaque fois que l’Évangile est marginalisé ou expulsé de notre vie. Face à cette réaction incroyable, le roi, indigné, fait punir les assassins. En fait, ce sont eux-mêmes qui se punissent, qui s’excluent du banquet de la vie, de la paix, de l’amour. Ils tombent dans une vie infernale. Le roi n’en a pas moins le désir infini de rassembler les hommes. Il envoie d’autres serviteurs avec l’ordre de s’adresser à tous ceux qu’ils rencontreront dans les rues, sur les places, sans aucune distinction. Cette fois, l’invitation est acceptée et la salle se remplit de convives « bons et mauvais ». Dieu semble ne pas s’intéresser à ce que nous sommes, ce qu’il veut c’est que nous soyons là. Dans cette salle, il n’y a pas que les purs et les saints. Tout le monde est là. Lorsque nous entendons cette page de l’Évangile, nous avons même l’impression qu’il y a là des masses de pauvres et de pécheurs. Jésus affirme que tous sont invités et que tous ceux qui arrivent sont accueillis, qu’importe s’ils le méritent ou non, s’ils sont en règle avec leur conscience ou non. Dans cette salle, on ne peut distinguer le saint du pécheur, le pur de l’impur.
Ce qui compte, c’est d’avoir « l’habit de noce ». En orient, l’invité, quel qu’il soit, est traité avec les plus grands honneurs : il est lavé et habillé avant d’être introduit dans la salle à manger. Celui qui se soustrait à cette coutume montre qu’il n’accepte pas l’hospitalité qui lui donne le droit d’entrer, comme s’il était le maître. L’habit de noce est donc l’amour de Dieu qui est versé sur nous pour couvrir toutes nos fautes, toutes nos faiblesses. L’habit de noce est notre assentiment plein d’amour au Seigneur et à sa parole. Il est écrit dans l’Apocalypse : « Voici qu’apparut à mes yeux une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, de toute nation, race, peuple et langue ; debout devant le trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches » (Ap 7, 9).