Journée de la Mémoire : Lea Polgar avait 5 ans quand les lois racistes de 1938 l'éloignèrent de son école. Une vidéo pour ne pas oublier

En cette Journée de la Mémoire nous recueillons le témoignage de Lea Polgar. Elle avait 5 ans en 1938 et fut l'une des petites filles expulsées de l'école car elle était juive, à la suite de la promulgation des lois racistes en Italie.

 

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"1938-2018, Prends ton cartable et va t'en de l'école !", une exposition multimédia sur les lois racistes de 1938

- Des centaines d'enfants ont contribué à réaliser cette exposition...

Lea P. : - Ils sont vraiment très doués !

- ... Ce sont surtout des enfants de la périphérie de Rome. Ils ont préparé cette exposition l'année dernière et cet été. La Communauté compte une vingtaine d'Ecoles de la Paix dans la périphérie de Rome. Rappeler le passé est un moyen de construire des anticorps. Cela a aussi été l'occasion de réfléchir sur les nombreuses injustices, les épisodes de violence, d'exclusion, de discrimination que nous constatons aujourd'hui encore".

- Je vous présente Lea Polgar. Elle a été témoin de cette période. Elle fit partie des enfants qui furent exclus de l'école.

Lea Polgar : "Cette exposition est très bien construite. Et les réflexions des enfants, leurs dessins, m'émerveillent encore. Parce qu'à la suite de mon témoignage, les enfants m'ont posé de nombreuses questions, des questions très intéressantes. Mais ici [dans cette exposition] il y a un ensemble qui me bouleverse et m'enthousiasme. A ceux qui ont suivi ces enfants, je donnerais une médaille d'or !

J'avais 5 ans en 1938. Je peux dire que ce fut un tournant dans ma vie, pour résumer les choses. Ce fut un coup de massue : j'étais une enfant tranquille, ma vie de famille était sereine, mon papa était un jeune avocat, nous étions trois frères et soeurs, il y avait maman, les grands-parents, les cousins, la maison de ma grand-mère au bord de la mer, une vie donc très sereine et très joyeuse. J'étais une petite fille très vive, pleine d'allégresse.

Papa, un matin, est rentré à la maison - il était allé au tribunal, comme d'habitude - et il a dit à ma maman : "ils ne m'ont pas laissé entrer au tribunal, je ne peux plus aller au tribunal, je ne peux donc plus travailler". Ma mère a dit: "Comment ça, ils ne t'ont pas laissé entrer au tribunal ?"... Ce fut un choc pour ma famille, comme si le monde s'écroulait. Sans travail, on ne peut plus manger, c'est ainsi.

Je suis ensuite allée dans une école, mais nous avions cours l'après-midi, nous ne pouvions pas aller avec les autres enfants [le matin]. Nous aussi, nous devions saluer le drapeau fasciste. Nous voyions toutes les petites filles portant l'uniforme des petites italiennes de l'époque, une sorte de - je ne sais pas comment l'expliquer - une sorte de "scout" de l'époque. Mais nous ne pouvions rien faire, c'était comme ça.

L'après-midi, je passais à côté d'un parc, et nous nous arrêtions pour jouer dans ce parc. Mais personne ne voulait jouer avec nous. Comme nous portions l'uniforme de [ceux qui avaient cours] l'après-midi, les autres nous disaient : "mais vous, vous êtes juifs, vous allez à l'école l'après-midi? J'ai dit : "oui". Alors personne ne voulait jouer avec nous, car nous étions des enfants juifs (...) comme si c'était une maladie..."