Quel bilan dressez-vous de ces deux premières années?
Repensons à la situation qui régnait au Vatican il y a deux ans. L'Église paraissait à bout de souffle, et la démission de Benoît XVI semblait l'expression de cette crise de l'Église qui frappait le sommet même de l'institution. L'arrivée surprise de François a changé la donne. En quelques mois, le climat de déclin a été comme effacé au profit d'une nouvelle vitalité. La simplicité du nouveau pape et la profondeur de ses gestes ont beaucoup influé sur sa relation avec les gens, sur une sorte de nouvelle alliance qu'il a su instaurer.
Mais les résistances aux changements restent fortes...
Elles sont très fortes parce qu'on est face à deux conceptions de l'Église. François n'accepte pas que l'Église soit repliée sur elle-même. Il veut une Église proche du peuple. Et sans frontières. Avec lui, c'est comme si on était passé d'une Église minorité de purs et durs à une Église qui vit au milieu du peuple. François est le premier pape héritier du concile Vatican II. Il entend le mettre en oeuvre : changer, se faire missionnaire dans le sillon de la tradition.
Au second synode sur la famille, en octobre, sa capacité réformatrice sera en jeu...
La famille n'est qu'un aspect, important certes, mais il ne résume pas le tout. Il y a la réforme de la curie, l'approche plus pastorale... Mais les résistances naissent du changement. C'est normal. Elles viennent aussi du fait qu'on a trop réduit, dans un passé récent, le catholicisme au traditionalisme. Le catholicisme, ce n'est pas le traditionalisme. C'est une tradition vivante au coeur de l'Histoire. C'est très différent. Cela dit, aucun pontificat du XXe siècle n'a sans doute rencontré autant de résistances comme celui de François, surtout en interne.
Est-ce si fort que cela?
Je crois. Certains ont comparé François à Gorbatchev, qui plaisait à l'extérieur et beaucoup moins en interne. C'est trompeur. Gorbatchev n'était pas conscient de la crise du système soviétique comme Bergoglio est conscient de la crise de l'Église. Ils devraient le remercier, car de façon très courageuse, il lutte pour vaincre la crise de l'Église. Son parcours personnel, dans une mégalopole comme Buenos Aires, lui a donné une dimension plus vaste. C'est le premier pape qui guide l'Église dans la globalisation.
(1) Auteur de Comprendre le pape François (Éditions de l'Emmanuel).