Marco Impagliazzo : "Regarder la vieillesse avec des yeux nouveaux : le temps du don, du dialogue et de la prière" - VIDÉO

L'intervention au congrès international de la pastorale des personnes âgées et l'éditorial dans Avvenire

Marco Impagliazzo, président de la Communauté de Sant'Egidio, intervient au Congrès international de la pastorale des personnes âgées « La richesse des années », à Rome du 29 au 31 janvier, organisé par le Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie.

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Le continent des personnes âgées, l'Église et la société
Pour l'avenir passionnément
Éditorial de Marco Impagliazzo (Avvenire, 30/01/2020)

« Nous ne vivons pas une époque de changement, mais un changement d'époque », déclare le pape François. C'est une vérité profonde dont nous devons tenir compte. Nous nous trouvons en effet à un moment de transition et obligation nous est faite de saisir les signes des temps, comme le pape Jean et le Concile nous ont appris à le faire. Les personnes âgées, tout comme les réfugiés et les migrants, sont un signe décisif de notre temps.

Qui est la personne âgée aujourd'hui ? Quels sont les âges qui se cachent derrière la notion de plus en générique de « troisième âge » ? Quel est l'impact de la force nivelante de la mondialisation sur cet âge de la vie ? Ce sont des questions complexes, mais il vaut la peine de ne pas les éluder, car le monde vieillit sous toutes les latitudes et ce siècle devra tôt ou tard en tenir compte, même si la culture dominante ignore les personnes âgées ou maquille leur existence sous les oripeaux de la jeunesse.

L'un des plus illustres gérontologues contemporains, Jérôme Pellissier, a écrit : « Ce n'est pas un hasard si les trois discours dominants sur les personnes âgées sont d'ordres démographique, médical et économique :  au lieu de penser la vieillesse, on se focalise sur les chiffres, sur les corps et sur les coûts. La difficulté même à trouver le terme approprié témoigne du mal-être : "vieux" en opposition à "jeune", perçu quasiment comme une insulte, est devenu une espèce de tabou ».

C'est vrai : le discours public sur la condition des personnes âgées est aphasique, presque tabou. Il manque une « pensée » sur la vieillesse. C'est paradoxal à une époque où la vie s'allonge d'une manière qui était encore absolument impensable ne serait-ce que jusqu'à il y a quelques années. François, sans doute le premier pape à avoir parlé de manière cohérente de ce thème, a dit dans l'une de ses catéchèses dédiée aux grands-parents : « Cette période de la vie est différente des précédentes, cela ne fait aucun doute ; nous devons même un peu  "l'inventer à notre façon", car nos sociétés ne sont pas prêtes, spirituellement et moralement, à lui donner sa pleine valeur ».

L'Église n'a pas toujours su trouver les réponses aux demandes de sens des personnes âgées. Après le concile Vatican II, elle était investie dans le défi de l’aggiornamento, pour ne pas perdre contact avec des réalités qui semblaient s'éloigner de la foi, comme les jeunes, la culture et la science, le monde ouvrier. Mais sans doute l'Église ne se demandait-elle pas assez ce que signifiait pour les personnes âgées le fait de ne plus retrouver dans l'église ses saints et ses formes de piété. On a pris le risque de les oublier. Le congrès voulu ces jours-ci à Rome, à l’Augustinianum, par le Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie, montre qu'il y a besoin d'un tournant pastoral de la part des communautés chrétiennes : parler au cœur afin que s'affirme un art de vieillir « pour les autres et non pas contre les autres ». Du reste, chaque âge a besoin de conversion et l'on ne cesse jamais d'être disciple : tel est le secret de la jeunesse spirituelle.

L'Église est placée devant un grand défi : aider le continent de plus en plus peuplé des personnes âgées (parce qu'elles forment un continent qui traverse tous les continents) à choisir qui être. Des personnes bien portantes ou moins bien portantes animées d'une grande peur de vieillir, ou des femmes et des hommes prêts à faire de leur liberté un terrain pour découvrir de nouveaux horizons ? L'Église réussira-t-elle à transformer les années en plus en une chance humaine et spirituelle ? Liberté, don, dialogue, gratuité, mémoire, prière : telles sont, selon le pape François, toutes les vertus prophétiques de la vieillesse qui peuvent rendre le monde plus humain et l'Église plus évangélique.

Il faut regarder la vieillesse avec des yeux nouveaux : temps des relations gratuites, de l'amour et de l'amitié désintéressée, temps pour aider aussi ceux qui ne sont pas âgés et ne pas avoir peur d'eux. Temps surtout qui replace au centre la primauté de l'être sur l'avoir. Et puis il y a la relation fructueuse entre jeunes et âgés. Si le charisme de la personne âgée n'est plus la sagesse (comme dans les anciennes sociétés agricoles), il existe pourtant une « utilité  de la personne âgée dans la beauté de son témoignage, dans sa tendresse, dans son accueil. Ce sont les dimensions qui touchent les jeunes et les très jeunes quand ils rencontrent les aînés. L'Église en sortie du pape François aura de plus en plus besoin de personnes âgées converties à la passion pour l'avenir, à l'amour pour les jeunes générations, témoins de la foi, artisans d'une fraternité qui ouvre à la beauté du vivre ensemble.