Le pape François à Bari: pour vaincre ses nombreux défis, la Méditerranée doit renouer avec son antique vocation

Un éditorial d'Andrea Riccardi

A Bari avec le pape François: la nouvelle route au-delà de toute barrière

Pour vaincre les nombreux défis (religieux, culturel, politique) la Méditerranée doit renouer avec son ancienne vocation

La Méditerranée est une frontière entre plusieurs monde: l'Afrique, le Moyen-Orient et l'Europe. Mais l'Europe craint souvent que des masses de réfugiés ne l'envahissent.

C'est une frontière entre plusieurs monde religieux: le sud est en grande partie musulman, avec quelques îles en minorité chrétiennes et l'Etat juif; le nord chrétien, où les juifs cohabitent avec le reste de la population depuis toujours et où d'importantes communautés musulmanes sont en train de se former. Sur le pourtour méditerranéen vivent différentes communautés chrétiennes: catholiques occidentales en majorité, mais également catholiques orientales, orthodoxes, protestantes, arméniennes, syriaques, coptes. Notre mer est bordée de tant de mondes pluriels. C'est la mer de la diversité, qui peut devenir celle de l'affrontement. Elle l'a été pendant des siècles: des invasions arabes et turques aux croisades. Le terrorisme islamique voudrait le retour de la guerre entre chrétiens et musulmans. Cela est devenu clair quand l'Isis décapita en Libye, sur les rives de la Méditerranée, 21 coptes égyptiens, annonçant qu'elle arriverait bientôt à Rome et au coeur de l'Europe.

La rencontre des évêques catholiques de la Méditerranée, qui s'est tenue à Bari et s'est conclue dimanche 23 février, n'est pas une réponse à "l'ennemi", mais une main tendue à tous.

En effet, après la rencontre entre les évêques catholiques, il faudra s'ouvrir aux autres chrétiens présents en Méditerranée, aux juifs et aux musulmans protagonistes de cette mer. C'était le dessein de Giorgio La Pira, que le cardinal Bassetti a rappelé. Cela a été le dessein poursuivi pendant de nombreuses années de rencontres méditerranéennes, comme celle de 1990 à Bari intitulée "Méditerranée, mer de paix", mise en oeuvre par l'archevêque Magrassi et par la Communauté de Sant'Egidio, qui réunit des personnalités des deux rives de la Méditerranée en un temps où l'on parlait de choc des civilisations.

Le 7 juillet 2018 le pape François a convoqué les primats des Eglises méditerranéennes pour parler de paix et des chrétiens au Moyen-Orient: un événement inédit depuis la division entre Orient et Occident. Ainsi, de retour de Bari, le Souverain Pontife a dit: «Nous pourrions appeler Bari la capitale de l'unité, l'unité de l'Eglise».

L'unité en Méditerranée ne se fera pas à travers la domination. Cela a été une illusion des civilisations et des empires bordant cette mer, suite à l'effondrement de l'empire romain. Les différences et les diverses identités y sont trop enracinées. En Méditerranée on ne se protège pas avec des murs. Le défi en Méditerranée (religieux, culturel et politique) est de renouer avec le dialogue.

On se "protège" avec le dialogue et la rencontre. Car la Méditerranée est échange et rencontre. Un chercheur de Bari, Franco Cassano, parle d'une "manière de penser méridienne" commune aux gens de cette mer: il faut aller lentement - dit-il - pour renconter et regarder les autres, ne pas se faire prendre par la voracité de qui veut classer les autres en deux catégories, amis et ennemis.

La Méditerranée plurielle doit faire sentir sa riche voix en Europe, où l'on craint parfois le sud en le regardant comme une terre d'incertitude et d'instabilité. Sa langue, qui est dialogue quotidien et rencontre, doit parler. François a dit à Bari: «C'est la mer du métissage».

La rencontre des évêques méditerranéens à Bari marque une reprise d'initiative de la part de l'Eglise dans le dialogue et dans la rencontre. Le Pape lui a indiqué la direction: le Seigneur «nous a demandé l'extrémisme  de la charité. C'est le seul extrémisme chrétien licite».  

Editorial d'Andrea Riccardi paru sur "Famiglia Cristiana" datée du 1er mars 2020

[Traduction de la rédaction]