Jean Paul II, la figure emblématique du 20e siècle. Un article de Marco Impagliazzo dans l'Osservatore romano

Edition spéciale pour le centenaire de la naissance de saint Jean Paul II

Les laïcs ont été pour moi un don singulier, pour lequel je ne cesse de rendre grâce à la Providence. Je les porte tous dans mon cœur, car chacun d’eux a offert sa contribution à la réalisation de mon sacerdoce

 

La figure de Wojtyla est étroitement liée aux moments clefs de l’histoire du vingtième siècle : l’apparition et le développement des totalitarismes nazi et communiste, la Seconde Guerre mondiale, la Shoah, la guerre froide avec la séparation en deux de l’Europe, l’effondrement de l’Est communiste, le passage au nouveau millénaire, la manifestation du terrorisme international avec le 11 septembre 2001 et bien d’autres événements encore.

Karol Wojtyla a été un témoin exemplaire de l’histoire du vingtième siècle et une figure emblématique de la transition entre les deux siècles. Il a eu une expérience unique du monde : les 127 pays visités (certains plusieurs fois) durant son pontificat ont fait de lui l’homme qui a eu une communication directe avec le plus de personnes et le plus de foules, comme l’a soutenu celui qui était alors le cardinal Joseph Ratzinger. Un pape charismatique – ainsi que l’a défini Andrea Riccardi – qui a toujours lié la responsabilité de successeur de l’apôtre Pierre au martyre, risquant sa propre vie comme dans l’attentat qu’il a subi le 13 mai 1981. Wojtyla a eu de vastes visions idéales mais toujours à partir d’une connaissance des hommes et des peuples dans leurs différents contextes. Il n’a cessé d’étonner avec ses appels à la nécessité de la paix alors que la guerre est réapparue dans le monde comme instrument de résolution des conflits. Il a surpris avec ses gestes spirituels prophétiques et ses mystiques coordonnées à la géopolitique. Il a jeté la stupeur avec la force apostolique dont il a fait preuve jusque dans l’extrême faiblesse de la maladie, qui en est presque arrivé à le défigurer.

Sa vie doit être lue dans une perspective non seulement théologique ou interne à la réalité ecclésiale, mais aussi dans le cadre plus large de l’histoire contemporaine et de la géopolitique. Jean Paul II apparaît comme un pape doté de deux caractéristiques particulièrement originales. La première : un charisme de la rencontre humaine, lié en bonne part à une ascèse intérieure ; la seconde : une vision géopolitique planétaire, dont les nombreux voyages sont l’expression formelle et qui dépassait les frontières et les visions traditionnelles de l’Église catholique.

Jean Paul II a aussi été le pape du dialogue. Dialogue avec les Églises chrétiennes, avec les autres religions et avec les cultures. Un seul exemple : la rencontre d’Assise d’octobre 1986 avec les grandes religions mondiales. La portée et les effets de cette journée de prière historique se mesurent encore aujourd’hui. Les événements du monde contemporain ont subi depuis lors une incroyable accélération, avec des issues imprévisibles comme l’a été la fin de l’empire soviétique, l’effritement de ce que l’on appelait le « Tiers Monde », la progression du processus de mondialisation. Le contexte international actuel montre que les relations entre les religions est un élément d’importance géopolitique vitale.

Le 27 octobre 1986 reste, aujourd’hui plus qu’hier, une icône du futur dans un monde en quête de paix. Il demeure une indication même quand le désarroi et la désorientation deviennent plus forts, à l’épreuve des conflits et de la mondialisation elle-même. On a parlé de cette initiative extraordinaire comme d’un tournant dans l’attitude du catholicisme contemporain envers les religions, mais, en même temps, d’un tournant pour la vision que les religions non chrétiennes ont du christianisme. Il faut aussi rappeler que, pour Jean Paul II, le dialogue interreligieux n’estompe pas les appartenances. Au contraire, il aide à aller aux racines de sa propre identité.

Le dialogue œcuménique a accompli de nombreux pas en avant au cours des années du pontificat wojtylien. Pour la première fois, un pape s’est rendu en visite dans un pays à majorité orthodoxe : la Roumanie en 1999. Ce voyage à caractère œcuménique a été suivi d’autres : Géorgie, Mont Sinaï, Grèce, Syrie, Ukraine, Arménie et Bulgarie.

Un œcuménisme fait de rencontres, mais aussi de gestes. Parmi ceux-ci, la grande idée lancée par le pape Wojtyla de rassembler, à l’occasion du jubilé de l’an deux mille, les témoignages des « nouveaux martyrs » chrétiens, donc de toutes les Églises, qui, au vingtième siècle, ont donné leur vie pour la foi. Le martyre, pour Jean Paul II, n’est pas une histoire ancienne, mais bien une réalité contemporaine. Lui-même a subi un violent attentat, qui aurait très probablement pu le condamner à mort.

Sa biographie de catholique ayant vécu dans un pays communiste est mêlée au martyre du vingtième siècle, au point que lui-même en tire la conviction que le martyre est une réalité du christianisme contemporain.

Marco Impagliazzo

Edition spéciale pour le centenaire de la naissance de saint Jean Paul II (Osservatore Romano)


[traduction de la rédaction]