Le manifeste de la Communauté de Sant'Egidio: des aînés davantage protégés et des dépenses de santé réduites. Editorial de Marco Impagliazzo sur le Corriere della Sera

La crise provoquée par la pandémie n’a pas eu des conséquences égales pour tous. Une catégorie de personnes a souffert plus que les autres en termes de victimes et d’isolement : les personnes âgées.

Une «planète» qui a en commun l’âge, mais à travers laquelle toutes les couches sociales sont représentées de manière démocratique. Ce fut, sous de nombreux aspects, le drame dans le drame du coronavirus dans le nord du monde et en Italie, où – relève l’ISTAT – 85% des décès dus au COVID-19 se sont manifestés dans la population des plus de 70 ans. Une donnée qui frappe, de même qu'une autre donnée fournie par l’Institut supérieur de la santé: le nombre très élevé de morts parmi les personnes âgées vivant en maisons de retraite, le double par rapport à celles vivant à domicile.

Ce qui est arrivé ne peut nous laisser indifférents ni attentistes. C'est justement maintenant, au moment où notre pays a pris les mesures de la pandémie, étant donc plus équipé pour affronter d’éventuelles nouvelles urgences sanitaires, qu'il est nécessaire d'intervenir. Maintenant que les blessures de ce massacre moderne des innocents sont encore ouvertes et ont laissé des traces dans de nombreuses familles, est venu le moment de repenser notre société à travers une solidarité intergénérationnelle renouvelée et de nouveaux modèles d'assistance et de soin pour les plus vulnérables. C’est aussi pour cette raison que le 20 mai dernier la Communauté de Sant’Egidio a lancé un appel international – qui est parti précisément des pages de ce journal – qui a déjà récolté des dizaines de milliers de signatures, parmi lesquelles plusieurs représentants influents d’institutions et du monde de la culture.

Pas d'avenir sans aînés. Appel international pour réhumaniser nos sociétés, contre une santé sélective est un manifeste pour repartir, après la crise, avec une vision différente de l’Europe, dans laquelle les personnes âgées ne sont plus considérées, comme l’a dit le Pape François le 29 juin dernier, comme du « matériel de rebut ». Aussi parce que beaucoup – et tout le monde espère le devenir un jour – sont déjà âgés, et ont donc besoin, comme dans toutes les autres phases de la vie, de relations humaines et de proximité. Un autre virus a tué ou a rendu quoi qu’il en soit plus difficiles les soins pour les personnes âgées pendant la pandémie: la solitude. Contre ce virus, nous disposons déjà d'un vaccin efficace: l’attention que nous tous et les institutions doivent avoir pour les citoyens les plus fragiles. 

L'appel a précisément pour objectif de maintenir un haut degré d’attention sur cette question. En premier lieu, il s’agit d’éviter que se reproduise à l'avenir le dilemme inacceptable de « devoir » choisir qui on peut soigner, parce que ceci est contraire à tous les principes humains et constitutionnels, ainsi qu’à la Déclaration universelle des droits de l’homme : « chaque individu a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa propre personne ».  Dans un deuxième temps, le manifeste propose une remise en question radicale de nos systèmes de santé, qui se fonde sur une prédominance des soins à domicile avec la construction de réseaux de proximité autour des personnes âgées, à partir des acteurs de la vie quotidienne, jusqu’au monitorage actif de ceux qui habitent seuls.

Les institutions devraient porter ce projet, favorisant de nouvelles solutions, déjà expérimentées avec succès par Sant'Egidio - comme les habitats de vie partagés et les appartements protégés, qui permettent d’éviter le placement en institution et de vivre dans une maison, avec tous les avantages que cela comporte, à un âge avancé et en présence d’une série de pathologies. La crise vécue peut aider à mettre en oeuvre un changement de taille et innovant, offrant une meilleure protection aux personnes âgées et, dans le même temps, des dépenses sanitaires restreintes. Mais il faut intervenir rapidement, avant qu’un thème aussi central pour la société ne passe à nouveau – et de manière coupable – au second plan.

Le cardinal Martini affirmait en 1990 : « à la dignité de la vie offerte aux personnes âgées se mesure le profil éthique de chaque société et de l’Europe: c’est un test qui montre l’éthique de la cohabitation humaine ». Il s’agit de paroles qui ne s’avèrent pas seulement actuelles, à trente ans de distance, mais des paroles d’une certaine manière prophétiques, car elles nous indiquent la voie à parcourir si nous voulons que nos sociétés conservent cette pâte de civilisation et d’humanisme sans lesquels notre continent n’existerait pas tel que nous le connaissons, c’est-à-dire solidaire avec tous ses citoyens, sans exception.