Fratelli tutti, un texte fondamental pour le monde. Que les médias ne le passent pas sous silence !

Editorial d'Andrea Riccardi dans Famiglia Cristiana

On ne parle que des problèmes du Vatican et on oublie Fratelli tutti, un texte fondamental pour le monde.

Domenico Quirico, envoyé spécial dans de nombreux pays, connaît de très près le monde qui souffre. Il a traversé la Méditerranée sur une barque de migrants en 2001; il a été enlevé par des djihadistes syriens en 2013. Dans les premières pages d’un beau livre publié récemment, Testimoni del nulla [Témoins du néant], dans lequel il rapporte des récits de misère et de guerre, il s’interroge sur un ton dramatique : «Pourquoi dans cette partie du monde, chez nous, nous ne réussissons plus à éprouver de la compassion pour cette autre partie de nous, les affligés, les vaincus, tous les hommes que nous rencontrons avec embarras dans les journaux, à la télévision, sur internet?» Nous pouvons lui répondre que c’est vrai: nous éprouvons peu de compassion car nous sommes concentrés sur nos problèmes, car la contamination du Covid-19 augmente, car nous ne voyons pas clairement l’avenir, car les problèmes des autres nous paraissent trop compliqués.

Le pape François, avec l’encyclique Fratelli tutti, nous aide à jeter notre regard au-delà de notre clôture, et par suite, à être plus sereins avec notre situation et plus heureux car plus généreux. J’observe que l’encyclique a été rapidement oubliée dans la presse, tandis qu’il s’écrit beaucoup autour des problèmes du Vatican. Fratelli tutti est un long texte, qu’il faut méditer et étudier patiemment.

Dans le vide de visions sur le monde, aussi bien en politique que dans la culture et dans l’Eglise, le pape François en propose une fondamentale: la fraternité. Dès le début de l’encyclique, avec le saint d’Assise, il «invite à un amour qui surmonte les barrières de la géographie et de l’espace» car seule une fraternité ouverte «permet de reconnaître, de valoriser et d’aimer chaque personne indépendamment de la proximité physique».

Malheureusement, avec la peur liée à la pandémie, dans un monde si grand, l’individualisme semble être l’unique défense pour sa propre vie. Au contraire, le pape écrit: «l’individualisme ne nous rend pas plus libres, plus égaux, plus frères (...) Il ne peut même pas nous préserver de tant de maux qui prennent de plus en plus une envergure mondiale. Mais l’individualisme radical est le virus le plus difficile à vaincre. Il nous trompe. Il nous fait croire que tout consiste à donner libre cours aux ambitions personnelles, comme si en accumulant les ambitions et les sécurités individuelles nous pouvions construire le bien commun».

En réalité, l’individualisme étouffe ce qu’il y a de bon en nous et la passion pour les autres, qui seule peut nous rendre heureux. La proposition de François, à laquelle il faudra revenir tant elle est vaste, est une proposition personnelle adressée à chacun, quelle que soit sa condition de vie. Il s’agit de se libérer «des ombres d’un monde fermé» qui nous poussent au repli sur soi; il s’agit d’oser le chemin de la fraternité dans l’environnement familial et avec ses voisins, comme dans sa ville, comme sur le seuil d’un monde plus grand qu’il faut regarder avec intérêt. François nous invite tous à partager ce rêve, y compris ceux qui pensent ne pas avoir de grandes responsabilités.

Les petits et les humbles peuvent faire grandir considérablement la fraternité. Tenant compte du bien de chacun et de celui du monde entier, le pape propose: «Rêvons en tant qu’une seule et même humanité, comme des voyageurs partageant la même chair humaine, comme des enfants de cette même terre qui nous abrite tous, chacun avec la richesse de sa foi ou de ses convictions, chacun avec sa propre voix, tous frères!»

Editorial d'Andrea Riccardi paru dans Famiglia Cristiana, 25/10/2020 

[Traduction de la rédaction]