54e anniversaire de la Communauté de Sant'Egidio. Méditation de Marco Impagliazzo sur Néhémie 8, 1-12

Prière pour la fête de la communauté 2022

Néhémie 8, 1-12

Tout le peuple se rassembla comme un seul homme sur la place située devant la porte des Eaux. On demanda au scribe Esdras d’apporter le livre de la loi de Moïse, que le Seigneur avait prescrite à Israël. Alors le prêtre Esdras apporta la Loi en présence de l’assemblée, composée des hommes, des femmes, et de tous les enfants en âge de comprendre. C’était le premier jour du septième mois. Esdras, tourné vers la place de la porte des Eaux, fit la lecture dans le livre, depuis le lever du jour jusqu’à midi, en présence des hommes, des femmes, et de tous les enfants en âge de comprendre : tout le peuple écoutait la lecture de la Loi. Le scribe Esdras se tenait sur une tribune de bois, construite tout exprès. Il ouvrit le livre ; tout le peuple le voyait, car il dominait l’assemblée. Quand il ouvrit le livre, tout le monde se mit debout. Alors Esdras bénit le Seigneur, le Dieu très grand, et tout le peuple, levant les mains, répondit : « Amen ! Amen ! » Puis ils s’inclinèrent et se prosternèrent devant le Seigneur, le visage contre terre. Les lévites, expliquaient la Loi au peuple, pendant que le peuple demeurait debout sur place. Esdras lisait un passage dans le livre de la loi de Dieu, puis les lévites traduisaient, donnaient le sens, et l’on pouvait comprendre. Néhémie le gouverneur, Esdras qui était prêtre et scribe, et les lévites qui donnaient les explications, dirent à tout le peuple : « Ce jour est consacré au Seigneur votre Dieu ! Ne prenez pas le deuil, ne pleurez pas ! » Car ils pleuraient tous en entendant les paroles de la Loi. Esdras leur dit encore : « Allez, mangez des viandes savoureuses, buvez des boissons aromatisées, et envoyez une part à celui qui n’a rien de prêt. Car ce jour est consacré à notre Dieu ! Ne vous affligez pas : la joie du Seigneur est votre rempart ! » Les lévites calmaient tout le peuple en disant : « Cessez de pleurer, car ce jour est saint. Ne vous affligez pas ! » Puis tout le peuple se dispersa pour aller manger, boire, envoyer des parts à ceux qui n’avaient rien de prêt, et se livrer à de grandes réjouissances ; en effet, ils avaient compris les paroles qu’on leur avait fait entendre.

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Ce fut un jour de fête à Jérusalem, vers le milieu du cinquième siècle avant J.-C., lorsque le peuple "comme un seul homme" se rassembla sur la place devant la Porte des Eaux menant au Temple. Le Livre de la Loi de Moïse, c'est-à-dire la Parole de Dieu, revenait au milieu du peuple, devant l'assemblée "des hommes et des femmes et de tous ceux qui pouvaient entendre". Une grande fête, pour tous, pleine de gratitude car le Livre, jamais perdu, est revenu en présence de tout le peuple. Le temps de l'exil et de la dispersion relative dans lequel l'assemblée ne se réunissait pas était passé. La Parole existait mais elle n'était pas pour tous, elle n'était pas lue et commentée dans l'assemblée. Les gens n'avaient plus l'habitude de l'entendre ensemble comme un peuple. Cette journée a été marquée par la gratitude et l'émerveillement. Le peuple était enfin réuni. La Parole fit l'unité du peuple. Et de cette unité est née une réponse commune : amen, amen. C'est l'acclamation du peuple qui dit : c'est vrai ! Ils reconnaissent ainsi cette parole comme la vérité pour leur vie.

C'est une fête aujourd'hui à Sainte-Marie au Trastevere et dans toutes nos communautés, alors que nous célébrons l'anniversaire de sa naissance le 7 février 1968. Par un jour d'hiver, une petite communauté s'est réunie avec Andrea pour écouter la Parole du Seigneur et son explication : la parole demandée pour passer de la solitude à l'amitié. Et dans cette amitié, il devait y avoir les pauvres. Cette parole a touché le cœur, ou comme l'ont dit les disciples d'Emmaüs, a brûlé le cœur. Par la grâce de l'Esprit Saint, cette parole était déjà pour nous tous, elle ne s'est pas arrêtée aux limites d'une petite communauté, d'une petite réalité. "Tout n'était pas clair au début... mais tout était dans la Parole du Seigneur" - écrit Andrea à propos des débuts de la Communauté, mais il ajoute : "Sant'Egidio est davantage Sant'Egidio aujourd'hui qu'hier... la Communauté est un peu plus enracinée dans l'histoire et un peu plus plongée dans la Parole de Dieu[1]". Oui, parce que la Parole a dépassé les frontières et a touché le cœur d'un grand peuple composé de personnes si différentes par leur âge, leur origine, leur descendance, leur culture et leur tradition. Cette parole a fait de tant de personnes, diverses et dispersées, un seul peuple rassemblé "comme un seul homme", comme à Jérusalem.

Le concile Vatican II venait de se terminer. La Parole de Dieu était revenue entre les mains du peuple, qui pouvait désormais faire l'expérience de sa puissance car, comme le dit Grégoire le Grand, "la parole de Dieu grandit avec ceux qui la lisent. Plus on comprend, plus on fait attention à ce qu'on lit. Si on ne s'élève pas soi-même, même les Écritures ne nous élèveront pas. Si en revanche, un homme cherche dans la parole de Dieu ce qui le fait bien vivre, et fait un pas avec son cœur, la compréhension de l'Écriture sera aussi plus grande".

Le livre de Néhémie nous apprend que les lévites expliquaient le sens de la Parole et faisaient ainsi comprendre la lecture. Les lévites, un groupe de laïcs, non prêtres, qui communiquent la Parole de Dieu à tous. Que sont aujourd'hui nos Communautés de Sant'Egidio, frères et sœurs, si ce n'est cela dans toutes les régions du monde ? Les lévites, laïcs, qui communiquent la Parole de Dieu au peuple et disent : " Ne vous affligez pas : la joie du Seigneur est votre rempart !".

La Parole de Dieu nous apporte la joie du Seigneur, qui nous donne de la force. Cette force qui nous manque lorsque nous sommes seuls, concentrés sur nous-mêmes, dispersés. La Parole de Dieu nous rassemble en un peuple dont personne n'est exclu, car la Parole est pour tous. La Parole de Dieu nous donne de la force car elle est la lumière qui éclaire nos pas et nous guide sur un bon chemin. La Parole de Dieu nous dit que nous rencontrons Jésus dans les pauvres, dans les solitaires, dans ceux qui n'ont ni nourriture ni vêtements, dans ceux qui sont en prison, dans ceux qui sont malades. C'est la garantie de notre amitié avec les pauvres.  La Parole nous dit que le premier et le plus grand commandement est celui de l'amour, et elle nous apprend, à nous qui ne savons pas aimer, à aimer chaque jour et ainsi la vie change.

Grégoire le Grand dit encore : "c'est en aimant qu'on apprend ce qu'on communique en enseignant". Nous comprenons mieux la Parole de Dieu lorsque nous la communiquons aux autres avec passion. Oui, la Parole de Dieu peut être comprise ensemble : "beaucoup de choses dans l'Écriture que je ne comprenais pas par moi-même, je les ai comprises en me mettant devant mes frères".

C'est pourquoi nous sommes en fête aujourd'hui : depuis ce 7 février et dans tous les moments et les lieux où la Parole de Dieu a résonné parmi les frères - même s'ils n'étaient que deux ou trois - la Parole a été comprise et mise en pratique. Oui, c'est seulement en me plaçant en face mes frères que je comprends ce que le Seigneur me demande. Ces dernières années, une chose est donc devenue claire pour nous : les frères et sœurs ne sont pas seulement ceux que je connais ou que je fréquente, ils sont tout le monde. C'est la perspective de cet anniversaire : tous frères et sœurs.

Néhémie dit : "tout le peuple se dispersa pour aller manger, boire, envoyer des parts à ceux qui n’avaient rien de prêt, et se livrer à de grandes réjouissances ; en effet, ils avaient compris les paroles qu’on leur avait fait entendre". C'est le sens d'une fête pleine de joie, où chacun reçoit quelque chose à manger. C'est la vraie fête que le Seigneur veut : là où la Parole est comprise, où il y a une grande joie et où le pain est distribué à tous, sans exclusion. Telle est la fête de notre Communauté aujourd'hui : joie et gratitude pour avoir reçu et compris la Parole de Dieu au sein d’un peuple et pour avoir appris que tous sont nos frères et sœurs avec lesquels partager le pain de l'amitié et du don.

Prions aujourd'hui, de manière spéciale, pour la Communauté afin qu'elle soit protégée de tout mal.

 


[1] Andrea Riccardi, Tout peut changer. Conversation avec Massimo Naro, Editions du Cerf, 2019