Ecoute quotidienne de la Parole de Dieu, le fil rouge de ton histoire. L'homélie du Cardinal Pietro Parolin à la liturgie pour # santegidio50

Eminences,
Chers frères dans l’Episcopat et le Presbytérat,
Messieurs les Ambassadeurs,
Distinguées autorités,
Chers frères et sœurs dans le Seigneur,
Chers amis,

Je suis heureux de célébrer aujourd’hui avec vous cette liturgie eucharistique, à l’occasion des 50 ans de la fondation de la Communauté de Sant’Egidio. J’exprime, avec de nombreuses autres personnes présentes aujourd’hui, la gratitude du Seigneur d’avoir suscité et accompagné la Communauté au cours de ces années. Je vous salue tous avec affection et, en particulier, le prof. Andrea Riccardi et le président Marco Impagliazzo

La présence de nombreuses personnes, des plus jeunes aux plus âgés, la présence de votre Communauté dans de nombreux pays, les chrétiens de différentes confessions, les Autorités et Ambassadeurs, témoignent de l’affection et de l’estime de leur part et expriment l’attente que vous portiez encore des fruits de bien.
L’Eglise du diocèse de Rome, représentée ici par le Vicaire de Sa Sainteté, vous a vu accomplir vos premiers pas depuis la fin du Concile Vatican II. Aujourd’hui, il prie et se réjouit avec vous parce que, comme disait Saint Jean-Paul II en 1986, « là où il y a d’autres Communautés de Sant’Egidio, même ailleurs qu’à Rome, elles sont toujours de Rome ».
Nous avons écouté la Parole de Dieu. Ne cessez jamais de revenir à la Parole de Dieu. Cela a été le fil rouge de votre histoire : l’écoute quotidienne de la Parole, de la belle Basilique de Santa Maria in Trastevere à tous les endroits du monde.
Revenons à la Parole de Dieu. L’évangéliste Marc raconte l’histoire de Jésus avec un lépreux à Capharnaüm, dans la périphérie de la Galilée. C’est la première guérison des quatorze racontées par les évangélistes. La lèpre était une maladie qui, outre sa gravité, excluait pour toujours de la société. Le lépreux devait crier de loin « impure, impure », de manière à ce qu’on puisse l’éviter (Lv 3,45). Il était considéré de la sorte parce qu’il était une sorte de mort vivant.
La guérison opérée par Jésus libère le lépreux de la ségrégation et, alors, il se met à parler avec tous de ce qu’il avait vécu. Libérer de la ségrégation, de la solitude, en insérant dans le circuit de la vie, c’est ce que vous faites depuis des années, quand jeunes étudiants, vous avez rencontré avec passion les banlieues romaines, dépassant toute barrière.
Enfants, femmes, hommes, pauvres, personnes âgées avec une vie difficile, se sentaient comme le lépreux de Capharnaüm. Ils avaient un autre destin que celui de la ville ; ils étaient des exclus. Ils disaient : « je vais à Rome » pour aller chercher du travail, cachant leurs origines.
Il y avait comme un mur invisible, un abîme. Avec les premières rencontres avec ce monde, a commencé une histoire de leur libération de la « lèpres » de l’exclusion. Dans les périphéries, vous avez communiqué la Parole de Dieu, vous avez nourri les foules affamées de dignité et de solidarité. Elles sont devenues vos frères privilégiés. Vous avez communiqué, avec enthousiasme et humilité, que personnes n’est exclu devant Dieu. Cette histoire continue dans de nombreux pays du monde, en Europe, en Afrique, en Asie, en Amérique.
Cette histoire concerne la “lèpre” de la pauvreté, mais aussi celle de la maladie, comme dans le cas du traitement des malades du sida en Afrique. Les exclus sont devenus eux-mêmes protagonistes de cette libération incroyable des autres. Vous avez cru que la paix est possible, qu’un peuple n’est jamais condamné à être otage de la violence et vous avez cherché de faire grandir l’espérance concrète de la libération de la guerre et de la violence qui, comme la lèpre, rendaient malades des peuples entiers.
Vous êtes engagées à rapprocher ceux qui se combattait et se haïssait. Vous avez aussi été attentifs aux blessés de la guerre et de la misère. Je pense aux réfugiés et aux étrangers, en particulier par les couloirs humanitaires pour les réfugiés syriens et de la Corne de l’Afrique.
Mais, revenons à l’Evangile à Capharnaüm. Le lépreux est à genoux devant Jésus : « si tu le peux, purifie-moi » La rencontre avec Jésus réveille une demande de salut. Jésus eut compassion de cet homme et le guérit. La compassion de Jésus est le cœur de son rapport avec les hommes. Jésus « tendit la main, le toucha et lui dit : je le veux, sois purifié » (Lc 5,13a). LA parole s’accompagne du contact. Jésus, en touchant, franchit la barrière. Il révèle au lépreux que Dieu veut le sauver : « : je le veux, sois purifié ». L’impossible est devenu possible.
Le chemin de la compassion, enseignée et pratiquée par Jésus, a été et devra toujours plus être la voie à parcourir par la Communauté. A la lumière de la compassion, nos bras, parfois paresseux et inertes, rejoignent et touchent ceux qui sont loin. « Nous voyons une grande famille où se confondent ceux qui aident et ceux qui sont aidés », comme le disait le Pape François (à la Communauté de Sant’Egidio, le 14 juin 2014).
Il y a un fait surprenant dans cette page évangélique. Jésus cherche à imposer le silence à l’homme guéri et il lui demande de se présenter devant les grands prêtres. Il ne cherche pas la publicité, la reconnaissance, mais vit l’inquiétude pour que l’on comprenne la grâce de cette rencontre, pas-à-pas.
La compassion et la passion vont de pair avec la patience qui est la capacité de travailler dans la foi et dans l’attente. Cela a marqué votre histoire de ces 50 ans. Vous ne vous êtes pas arrêtés devant le mur qui pouvait paraître impossible à franchir. L’amour de Dieu ne s’arrête pas et ne recule face à l’abîme qui sépare des ennemis, des lépreux, des pauvres.
Saint Jean-Paul II disait lors du 20ème anniversaire de Sant’Egidio : « votre petite Communauté du début ne s’est posé aucune limite, si ce n’est celle de la charité » (1988).
C’est aussi l’expérience de Capharnaüm : le miracle de la rencontre sans frontières. De Capharnaüm à une autre Capharnaüm dans les périphéries du monde. C’est ainsi que se recompose la famille humaine au-delà de ses blessures.
Lorsque vous avez regardé ce rêve d’un monde en paix, vous n’avez pas accepté les abimes hérités du passé.
Le rêve a commencé à devenir réalité au service quotidien des pauvres. Votre engagement pour la paix est devenu une lutte contre la guerre « mère de toutes les pauvretés », comme vous le dites. Dans cette perspective, je vois la passion pour réconcilier les peuples, pour tisser des liens de fraternité avec les chrétiens et croyants d’autres religions, pour garder vivant « l’esprit d’Assise ». « Prière, paix et pauvres ». C’est ainsi que le pape François a bien résumé les cinquante ans de votre vie.
Mais, nous ne sommes pas ici seulement pour nous souvenir d’une belle histoire ou pour la célébrer. Votre histoire est ouverte vers l’avenir et est un don pour les jeunes générations.
Cinquante ans, c’est un talent pour l’Eglise, à dépenser sans peur dans le monde de demain, tellement différent de celui d’hier. Oui, le monde globalisé a besoin d’une réalité comme la vôtre, enracinées au niveau local, mais aussi capable d’habiter la dimension globale avec esprit et fraternité.
Enfin, avec les paroles de l’apôtre Paul, j’exprime un souhait et un conseil qui est la clé pour cheminer vers l’avenir : faites vous imitateurs de l’apôtre Paul, comme lui qui est du Christ, sans chercher votre propre intérêt, mais celui de nombreuses personnes pour tous voient le salut.
En exprimant ma gratitude pour cette fête d’aujourd’hui, nous demandons au Seigneur tout puissant qu’il envoie sur chacun d’entre vous, sur vos œuvres et sur votre chemin encore à parcourir, sa divine bénédiction. Que la Vierge Marie vous accompagne, la Mère du Seigneur et notre mère. Ainsi soit-il.