Faisons s’épanouir partout la « solidarité de la porte à côté ». Éditorial d’Andrea Riccardi

Nous sommes tous appelés à un engagement en faveur des travailleurs, ce qui vaut aussi pour les journaliers irréguliers.

En inaugurant un fonds de solidarité pour Rome, le pape François a invité à renouer avec une passion sociale pour la ville, en particulier pour les plus nécessiteux. Il a écrit : « Je voudrais voir la solidarité “d'à côté″ s'épanouir dans notre ville, les actions qui rappellent les attitudes de l'année sabbatique, où les dettes sont remises, les litiges abandonnés, le paiement est demandé en fonction de la capacité du débiteur et non du marché ». Ce sont des paroles pour les Romains, mais elles valent pour tous les Italiens.

En effet, au cœur de cette crise, il y a besoin de voir s’épanouir une solidarité spontanée et responsable des citoyens. Non pas pour vider l’intervention de l’État qui doit être, surtout en ces moments, prompte et efficace.

Mais il faut faire renaître la société civile, tellement déchirée et négligée ces dernières années. Il faut repeupler de liens de solidarité les grandes solitudes des périphéries, des personnes âgées, des personnes qui cherchent une issue à des situations rendues difficiles par les effets du confinement. On ne peut pas recommencer à vivre et à travailler sans le soutien des autres en ces moments. Il y a ensuite des secteurs très touchés qui peinent à reprendre et qui ont besoin de ne pas rester isolés.

Rome et l’Italie doivent connaître un élan des uns vers les autres, en ouvrant les yeux aux besoins de l’autre et en sortant de ce victimisme, si répandu, qui occulte la réalité de la douleur des autres. Tenir compte de ceux qui souffrent, les écouter, rester proches d’eux, les soutenir veut dire commencer à faire renaître un tissu communautaire. Même dans les petites choses, on peut faire beaucoup.

Une histoire m’a douloureusement touché : un travailleur indien, à Sabaudia, s’est suicidé, inquiet de ne pas réussir à être régularisé. Il n’a trouvé personne pour l’aider et a sombré dans l’angoisse. Derrière ces situations, il y a de véritables drames humains. Il y a aussi la difficulté liée au coût imposé aux employeurs.

Parmi les nombreux objectifs de solidarité, je voudrais indiquer la régularisation des travailleurs de la terre, des employés de maison, des auxiliaires de vie et gardiennes d’enfant. Elle a commencé depuis le 1er juin (pour les étrangers présents en Italie depuis le 8 mars), mais elle progresse doucement. 13 000 demandes ont été présentées au 10 juin et plus de 6 000 sont en cours d’examen. Une grande partie des demandeurs sont des auxiliaires de vie et des employés de maison. Il faut expliquer le mécanisme, plutôt compliqué. Faire une demande en ligne n'est pas du tout simple, en particulier pour les personnes âgées.

La situation des travailleurs agricoles est complexe, non seulement à cause de l’influence du caporalato [embauche illégale], mais aussi en raison des coûts imposés à ceux qui ont différents employés. La CGIL propose une réduction des coûts pour les employeurs qui régularisent plus de travailleurs. Il faut donc introduire des modifications, comme la prolongation du délai à disposition pour la régularisation, d’où le fait de donner la possibilité à tous les travailleurs d’être informés.

Mais il faut aussi l’engagement de la société civile. Les résistances, dans certains secteurs, sont aussi les résistances de ceux qui entendent exploiter les travailleurs, en les maintenant dans une situation d’illégalité. Il y a là une grande occasion pour changer des situations gangrénées. Il faut parler avec les migrants et les employeurs pour trouver des solutions possibles. Les associations et différentes institutions, entre autres catholiques, se sont activement impliquées dans ce qui est un grand combat de civilisation, au début d’une nouvelle saison de notre pays : donner un espace de légalité et de travail à des centaines de milliers de non Italiens résidant en Italie.

Éditorial d’Andrea Riccardi dans Famiglia Cristiana du 21/06/2020
[traduction par la rédaction]