Marie réconfort des migrants : avec la nouvelle invocation voulue par le pape François, l’actualité devient prière. Un éditorial d’Andrea Riccardi

Mater misericordiae, Mater spei et Solacium migrantium sont les trois nouvelles invocations. La dernière vient couronner une intuition de Pie XII.

Le pape François a ajouté aux invocations traditionnelles trois nouvelles invocations aux litanies de Lorette : Mater misericordiae, Mère de miséricorde, Mater spei, Mère de l’espérance, Solacium migrantium, Réconfort des migrants. Le fait que les papes introduisent d’autres invocations ne constitue pas une nouveauté. Jean Paul II voulut que Marie fût invoquée en tant que « Mère de la famille ».
Alors que le monde souffre des conséquences de la crise de la Covid-19 et que le poids se fait sentir d’un pessimisme diffus, non seulement sur l’économie et le travail, mais aussi sur l’avenir, François introduit le thème de l’espérance : Marie est la « Mère de l’espérance » et l’Église indique l’avenir avec espérance, sachant que, en dépit de toutes les difficultés, nous ne sommes pas seuls, mais accompagnés par la présence du Seigneur. Le désespoir surgit avec violence quand on se sent abandonné. Celui qui prie fait l’expérience de découvrir qu’il n’est pas seul, ni abandonné à lui-même.
L’invocation à la Mère de miséricorde est l’héritage du jubilé de la miséricorde, pendant lequel, en tant que peuple de Dieu, nous avons compris que la miséricorde est la manière de vivre de tout chrétien : « Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde » (Mt 5,7). Le défi consiste à vivre dans la miséricorde tout en vivant dans un monde violent, mais aussi de construire un monde de miséricorde et de relations miséricordieuses.
L’invocation à « Marie, réconfort des migrants » peut susciter la surprise. D’aucuns diront qu’il s’agit d’une intrusion des thématiques sociétales voire politiques dans la prière mariale. Mais notre prière, personnelle et communautaire, est toujours chargée de demandes qui concernent des situations concrètes, donc aussi sociales et même politiques. Dans les litanies, nous trouvons des prières à « Marie, santé des infirmes » et « consolatrice des affligés ». Et toujours, en particulier en temps de guerre et dans les lieux où l’on se combat, Marie a été invoquée en tant que « Reine de la paix », dans la conviction que la prière guide vers la paix les esprits et les cœurs de ceux qui combattent ou de ceux qui mènent des guerres. Dans d’autres litanies Marie est invoquée en tant qu’« étoile de la mer » ; pris dans les lames de fond des tempêtes, de nombreux navigateurs l’ont sans doute invoquée en ces termes.
Il est beau de penser que Marie, exilée en Égypte avec sa famille, puisse être « réconfort des migrants ». Les éditions Libreria Editrice Vaticana ont republié (assortie d’un essai signé par le Père Baggio et moi-même) la constitution apostolique de Pie XII de 1952, Exsul Familia. Le pape y déclare que la famille de Nazareth est « le soutien de tous les émigrants et pèlerins de tous les temps et de tous les lieux, de tous les exilés de quelque condition qu'ils soient, qui, chassés par la crainte des persécutions ou par la misère, se voient contraints d'abandonner leur patrie ». Rien n’est plus spontané que d’invoquer la Vierge comme aide des migrants. Nous sommes reconnaissants envers le pape qui élargit l’horizon de notre prière.
Du reste nous vivons actuellement dans un monde où le nombre de personnes en fuite augmente. Elles sont au nombre de 79 800 000, dont près de 26 millions sont réfugiées (et plus de la moitié des mineurs de moins de 18 ans). Regardons ce monde avec sensibilité et implication, faisons quelque chose pour éviter de nouvelles migrations (je pense à la régularisation des travailleurs en Italie) et prions pour ces personnes, exposées à tant de risques, peut-être en invoquant « Marie, réconfort des migrants ».

Éditorial d’Andrea Riccardi dans Famiglia Cristiana du 5/7/2020
[traduction de la rédaction]