Prière du Mardi saint. Prédication d'Andrea Riccardi sur Luc 22, 39-46

Luc 22, 39-46

39 Jésus sortit pour se rendre, selon son habitude, au mont des Oliviers, et ses disciples le suivirent. 40 Arrivé en ce lieu, il leur dit : « Priez, pour ne pas entrer en tentation. » 41 Puis il s’écarta à la distance d’un jet de pierre environ. S’étant mis à genoux, il priait en disant : 42 « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ; cependant, que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne. » 43 Alors, du ciel, lui apparut un ange qui le réconfortait. 44 Entré en agonie, Jésus priait avec plus d’insistance, et sa sueur devint comme des gouttes de sang qui tombaient sur la terre. 45 Puis Jésus se releva de sa prière et rejoignit ses disciples qu’il trouva endormis, accablés de tristesse. 46 Il leur dit : « Pourquoi dormez-vous ? Relevez-vous et priez, pour ne pas entrer en tentation. »

En ce mardi de la Semaine Sainte, l'Évangile de la Passion nous parle de la prière. Car ce que nous venons d'entendre est un évangile sur la prière, qui se déroule à un moment dramatique de la vie de Jésus et de sa communauté, au moment où le Maître est sur le point d'être arrêté.

Ils se sont rendus à l'endroit habituel où ils avaient l'habitude de passer la nuit, le jardin des Oliviers, au fond comme les pauvres qui campaient aux portes de la ville. Jésus était conscient que le moment était grave. "Priez pour ne pas entrer en tentation",  dit aux disciples. Et la tentation, en cas de danger et toujours, la tentation est de penser à soi, de se concentrer sur soi.

Alors Jésus pria, se leva, alla vers les disciples et les trouva endormis. Ils étaient endormis de tristesse, c'est-à-dire concentrés sur leur tristesse. Ils avaient préféré opposer la barrière du sommeil à la réalité, et le Maître leur demande : Mais pourquoi dormez-vous ? Peut-être n'est-ce pas une question adressée uniquement aux disciples de cette époque, mais aussi à nous aujourd'hui : pourquoi dormez-vous ? Pourquoi dormons-nous ? Pourquoi l'humanité dort-elle ?

Il ne s'agit pas seulement de passer facilement de la prière au sommeil. Le sommeil est une attitude de détachement, apathique, insensible à la réalité. Les disciples ne restent même pas près de Jésus qui souffre visiblement, si visiblement que sa sueur est devenue comme des gouttes de sang tombant sur le sol. Eux-mêmes, en le voyant ou en l'entendant, auraient pu se rendre compte qu'il avait besoin de proximité et de réconfort, mais ils dormaient et le sommeil justifie la distance.

Jésus n'avait pas demandé à être assisté, du moins dans l'Évangile de Luc, mais seulement à prier. Mais il existe un lien étroit entre la prière et une proximité attentive et sensible avec les autres. Ceux qui prient sont sensibles aux besoins des autres, ceux qui sont sensibles aux besoins des autres sont poussés à la prière, ne serait-ce que pour demander l'aide du Seigneur, précisément à cause des besoins qu'ils rencontrent. Les femmes et les hommes endormis dans la prière ou tournés vers l'intérieur, errent parmi les gens sans les voir, comme des somnambules repliés sur eux-mêmes.

Matthieu souligne la faiblesse des disciples et leur insensibilité à l'égard de Jésus en décrivant son arrestation : "Alors tous les disciples le quittèrent et s'enfuirent." Une phrase courte mais dramatique.

Ils étaient tombés dans la tentation et chacun avait commencé à se suivre soi-même, oubliant Jésus et leur fraternité. Et Jésus, les ayant trouvés endormis à cause de la tristesse, leur avait encore dit : " Levez-vous et priez, pour ne pas entrer en tentation.

L'Évangile nous répète aussi ces paroles : se lever et le prier signifie se tenir debout, éveillé, devant lui, comme on est, comme on sait faire, avec toute sa faiblesse et son inexprimabilité. C'est le refus du sommeil qui nous fait nous replier sur nous-mêmes.

C'est pourquoi nous trouvons si souvent dans les Écritures l'exhortation : soyez vigilants ! Mais nous ne savons pas comment prier, c'est souvent une réalité et dans l'Évangile, nous voyons Jésus nous apprendre à prier. Mais dans cet Évangile, ce n'est pas seulement Jésus qui enseigne ou exhorte, c'est Jésus qui prie, au point que certaines de ses paroles, prises à témoin, nous sont transmises : Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ; cependant, que soit faite non pas ma volonté mais la tienne.

L'ange, dans les Écritures, est celui qui communique la parole de Dieu, et c'est le cas pour Marie au début de son histoire. La parole de Dieu apportée par l'ange réconforte Jésus dans sa grande détresse. La prière a un lien très étroit avec la Parole de Dieu, la prière est à la fois consolation et invocation. Or dans la prière, la Parole devient consolation du cœur, tandis qu'elle ouvre l'esprit pour comprendre ce qui n'est pas compris.

De manière unique, comme s'il s'agissait d'une relique évangélique, nous avons ici les paroles de la prière de Jésus pendant sa passion, précieuses en ce temps particulier qui conduit vers la croix et la résurrection. Des paroles qui nous appellent à être avec Jésus, qui nous aident à vivre ce temps en étant concentrés sur le Seigneur et l'Évangile, et non endormis sur nous-mêmes ou dans la fuite.

Jésus dit dans l'Évangile de Jean : Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voulez et cela vous sera donné.  Oui, proches du Seigneur dans la prière et la passion, en effet, comme le dit Jean, demeurant en lui et faisant en sorte que ses paroles demeurent en nous, demandons ce que nous voulons et cela nous sera donné.

Prions pour ne pas entrer en tentation mais pour être protégés, pour être dans la joie de ceux qui ont confiance dans le Seigneur. Amen.