Envoyer des armes ne servira qu’à accroître les souffrances

Envoyer des armes ne servira qu’à accroître les souffrances

On peut comprendre la réaction spontanée : aidons les Ukrainiens à résister en leur envoyant des armes pour se défendre. Mais il suffit d'un peu de lucidité pour comprendre que c'est une non-solution, une absurdité indigne des dirigeants européens. Ce serait comme dire : nous gardons le gaz russe ; vous, les Ukrainiens, vous vous battez en vous faisant massacrer.

La résistance initiale de ces jours ne doit pas nous tromper : il semble que les Russes soient mal organisés. Ils pensaient peut-être qu'ils seraient accueillis comme des libérateurs, victimes de leur propre propagande. Peut-être ne savent-ils pas comment mener une guerre chirurgicale (mais qui en est capable ?) puisqu'ils ne peuvent pas utiliser la méthode du rouleau compresseur, comme en Syrie ou en Ossétie. Dans tous les cas, les forces sont inégales et Moscou l'emportera.

Souffrances civiles

Si les Européens envoient des armes, ils ne feront qu'accroître la souffrance des civils. Car c'est là le cœur du drame : la guerre fait surtout souffrir les civils innocents. Rappelez-vous Sarajevo hier et Alep aujourd'hui. C'est pourquoi l'appel d'Andrea Riccardi sur Kiev comme "ville ouverte" doit être accepté d'urgence : qu'il n'y ait pas de combat rue par rue comme cela se passe déjà à Kharkiv.

Nous ne pouvons pas inciter les autres à se battre pour nous, ni accepter le massacre de civils. Oeil pour œil rend le monde aveugle, disait Gandhi. La logique politique l'impose : aujourd'hui, de plus en plus de personnes manifestent contre la guerre. Le mouvement pacifiste s'éveille et même en Russie, nous voyons des manifestants courageux défier la police anti-émeute. Si la guerre se prolonge, le nationalisme sera exacerbé et même les Russes ne pourront plus s'y opposer.

Monstre incontrôlable

Aujourd'hui, la faiblesse est plus forte que la force : plus que les roquettes antichars, les armes les plus puissantes contre la guerre insensée de Vladimir Poutine sont les images de jeunes Ukrainiennes en pleurs et effrayées que même les Russes ne peuvent accepter. Cela ne change pas notre jugement : nous sommes conscients qu'il y a un agresseur et un agressé. A partir du moment où la première gâchette est pressée, il n'y a qu'un seul coupable : celui qui a déclenché le monstre de la guerre.

Cela dit, il faut savoir qu'une fois désenchaîné, ce monstre n'est plus contrôlé par personne, pas même par Poutine. La guerre a une logique qui lui est propre : la logique du mal. Offrir des armes, c'est l'agiter davantage.

Qu'est-ce qui nous a amené à ce point ? Les nationalismes européens renaissants, aucun n'est exclu, pas même nos hypocrites souverainismes occidentaux. Pourtant, nous savions que le nationalisme européen est une bête immonde qui a provoqué deux guerres mondiales.

La bête ne doit pas être nourrie avec plus d'armes. Il faut plutôt encourager la logique de la paix, qui est supérieure à toute raison et qui conduit aux négociations qui semblent maintenant avoir commencé. Déclarer Kiev "ville ouverte" sert à mettre toutes les énergies dans l'exécution de la tactique élective pour éviter l'effusion de sang, ce maternage nécessaire dont l'histoire nous a appris qu'il est toujours le choix le plus humain. Mais aussi le plus politique.

Article paru dans Domani ; traduction de la rédaction


[ Mario Giro ]