Le Cri de la Paix. Article de Marco Impagliazzo pour l'Osservatore Romano

Le Cri de la Paix. Article de Marco Impagliazzo pour l'Osservatore Romano

Aujourd'hui, la paix est gravement violée, blessée, foulée aux pieds, et cela en Europe, c'est-à-dire sur le continent qui, au siècle dernier, a vécu les tragédies des deux guerres mondiales - or nous sommes dans la troisième (Colisée, 25 octobre)

"Ne nous laissons pas infecter par la logique perverse de la guerre, ne tombons pas dans le piège de la haine de l'ennemi. Remettons la paix au cœur de notre vision de l'avenir, comme objectif central de nos actions personnelles, sociales et politiques, à tous les niveaux. Désamorçons les conflits avec l'arme du dialogue". À la fin de la rencontre "Le cri de la paix", organisée à Rome par la Communauté de Sant'Egidio avec des représentants des grandes religions du monde et des organisations de la société civile, l'invitation du pape François à prendre la responsabilité du dialogue, à ne pas être "neutre, mais à prendre parti pour la paix" a résonné avec force.

Au Colisée, à l'intérieur de l'Amphithéâtre, le Pape a prié pour la paix avec les représentants des Églises et des communautés chrétiennes, avant de participer au moment final sur le parvis, accompagné d'une grande participation populaire - beaucoup de jeunes - et de l'attention des médias. L'occasion, que beaucoup ont jugée nécessaire, de relancer une initiative de paix à un moment où la guerre est dramatiquement revenue sur le sol européen et touche tant d'autres situations.

Depuis quelque temps déjà, François a inventé l'expression "troisième guerre mondiale par morceaux", mettant en garde contre les risques de propagation des armes et contre un langage belliqueux qui conduit à la résignation et incite à penser que la paix n'est qu'une utopie. D'où l'invitation à faire silence et à rechercher la paix qui se trouve "au cœur des religions, dans leurs Écritures et dans leur message". "Dans le silence de la prière, a dit François, nous avons entendu le cri de la paix : une paix étouffée dans tant de régions du monde, humiliée par trop de violence, refusée même aux enfants et aux personnes âgées, qui ne sont pas épargnés par la terrible dureté de la guerre. Le cri de la paix est souvent étouffé non seulement par la rhétorique de la guerre, mais aussi par l'indifférence. Il est réduit au silence par la haine qui grandit en combattant".

Trente-six ans se sont écoulés depuis le 27 octobre 1986, date à laquelle Jean-Paul II avait convoqué les dirigeants des grandes religions du monde à Assise pour une journée de pèlerinage, de jeûne et de prière, les uns à côté des autres, pour la première fois dans l'histoire. À cette occasion, le pape Wojtyla avait déclaré que de la vision de la paix d'Assise jailliraient "des énergies pour un nouveau langage de paix, pour de nouveaux gestes de paix", des gestes qui briseraient "les chaînes fatales des divisions héritées de l'histoire ou générées par les idéologies modernes". C'est l'histoire de ces années, au cours desquelles la compréhension et l'amitié entre les croyants se sont développées et de nombreux changements ont eu lieu, de la fin de la guerre froide à l'endiguement de l'idée du choc des civilisations.

Sur un ton pensif, le Pape a rappelé les paroles du message radiophonique de Saint Jean XXIII, le 25 octobre 1962. Son intervention lors de la crise des missiles de Cuba fut décisive pour ouvrir un canal diplomatique entre les Etats-Unis et l'Union soviétique et éviter la guerre nucléaire. Il y a soixante ans, le pape Roncalli déclarait : "Nous implorons tous les gouvernants de ne pas rester sourds à ce cri de l'humanité. Qu'ils fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour sauver la paix. Promouvoir, encourager, accepter le dialogue, à tous les niveaux et en tout temps, est une règle de sagesse et de prudence qui attire la bénédiction du Ciel et de la terre".

Soixante ans jour pour jour après cet appel, d'une actualité si tragique, François a déclaré au Colisée : "Ce que l'on craignait et que l'on n'a jamais voulu entendre est en train de se produire : c'est-à-dire que l'utilisation des armes atomiques, qui, de manière coupable, ont continué à être produites et expérimentées après Hiroshima et Nagasaki, représente maintenant une menace ouverte". L'Appel à la paix, signé par le Pape et les représentants des religions, dit : "Avec une ferme conviction, nous disons : assez de la guerre ! Arrêtons tout conflit". Ils appellent à des "négociations capables de conduire à des solutions justes pour une paix stable et durable". Il existe une conscience partagée d'être "à la croisée des chemins : être la génération qui laisse mourir la planète et l'humanité, qui accumule et commercialise des armes, dans l'illusion de se sauver contre les autres, ou au contraire la génération qui crée de nouvelles façons de vivre ensemble, qui n'investit pas dans les armes, qui abolit la guerre comme moyen de résolution des conflits et qui arrête l'exploitation anormale des ressources de la planète".

Au XXe siècle, les papes ont souvent assumé le rôle de médiateurs entre les nations en guerre : ils n'ont pas été des observateurs neutres des conflits, mais des pacificateurs actifs et des protecteurs attentifs des victimes. Alors que s'accroît l'accoutumance à la guerre, stupidement considérée comme un compagnon naturel de l'histoire, la voix du Pape a su capter et transmettre le "cri de la paix" avec une grande autorité.

[traduction de la rédaction]


[ Marco Impagliazzo ]