La révolution d'un conservateur

La révolution d'un conservateur

article de Marco Impagliazzo dans La Nuova Sardegna

L'héritage de Jean-Paul II était immense, la figure du pape polonais, protagoniste d'un très long pontificat, semblait devoir écraser tout successeur. Ratzinger en était conscient, ayant été son plus proche collaborateur, d'un point de vue doctrinal, pendant de nombreuses années, mais il a eu l'intelligence de rester lui-même, précisément un "humble ouvrier" de l'Église sans prétendre imiter son prédécesseur.

En commençant par le choix du nom, Benoît, avec deux références : Benoît de Nursie, le père du monachisme occidental, qui a eu une grande influence sur la diffusion du christianisme en Europe, et Benoît XV, le pape qui a conduit l'Église pendant la période troublée de la Première Guerre mondiale, qu'il avait qualifiée de "massacre inutile", en demandant aux belligérants de cesser les hostilités. Benoît XV a également été le défenseur des Arméniens menacés de massacre dans l'Empire ottoman.

Si le fossé entre le pape Wojtyla et le pape Ratzinger était alors évident, avec l'acte peut-être le plus révolutionnaire et le plus surprenant du pontificat de Benoît XVI, sa démission en février 2013, les comparaisons entre ce dernier et le pape François n'ont pas manqué. Nous étions confrontés à une situation sans précédent, et qui plus est, à un titre particulier attribué à Ratzinger, celui de pape émérite. Une situation qui a engendré chez les fidèles, en plus de certaines interprétations ecclésiologiques et canoniques erronées, une certaine confusion due à la présence simultanée de deux papes. En réalité, il faut le dire, il n'y a toujours et seulement qu'un papa, c'est-à-dire aujourd'hui François.

Ce n'est pas un hasard si Ratzinger, après sa démission, s'est toujours bien gardé d'intervenir dans les affaires de l'Église, de donner son avis sur le gouvernement de François, malgré certaines tentatives visant à lui donner la parole et le mettre en opposition avec son successeur. Benoît XVI était bien conscient que le pape actuel est François, l'évêque de Rome qui "vient du bout du monde". L'Église est donc dirigée par François, avec son style particulier de gouvernance, direct, spontané, tournant autour de thèmes et de concepts tels que la miséricorde, la sortie d'un horizon autoréférentiel, la proximité avec les plus pauvres, le monde comme un polyèdre.

Ces accents permettent de distinguer le pontificat de Bergoglio de celui de Ratzinger - comme d'ailleurs de ceux des autres pontifes du XXe siècle - et il est donc possible de se risquer à une comparaison entre les presque huit années de Benoît XVI et les dix années de François. Les éléments de continuité, en tout cas, sont beaucoup plus présents qu'une analyse superficielle des caractères des deux protagonistes en question ne le laisserait supposer, même s'il faut aussi considérer le scénario différent dans lequel ils s'inscrivent.

La papauté de Ratzinger, en effet, s'inscrit encore dans une papauté européenne, ayant ses racines culturelles et théologiques dans notre continent, touché seulement de façon limitée par le temps de la globalisation, avec une histoire qui semble encore unipolaire. La papauté de Bergoglio, en revanche, qui a commencé alors que la mondialisation semblait avoir gagné la partie, est déjà entrée dans le temps de la démondialisation, et évolue désormais dans le cadre d'une rivalité nouvelle et aiguë entre les grandes puissances, ainsi que d'une dislocation de l'ordre international, au point que le pontife parle d'une "troisième guerre mondiale par morceaux". Benoît XVI a commencé son mandat dans une Église revitalisée par l'énorme prestige de Jean-Paul II. Tandis que François est parti de l'idée d'une Église extravertie vers les périphéries humaines et existentielles, qui est aussi le fruit de son expérience pastorale dans une mégalopole sud-américaine comme Buenos Aires.

[traduction de la rédaction]


[ Marco Impagliazzo ]