On n'imagine plus la paix, il n'y a que la guerre à l'horizon. Mais des conflits, personne ne sort jamais vainqueur
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On n'imagine plus la paix, il n'y a que la guerre à l'horizon. Mais des conflits, personne ne sort jamais vainqueur

Editorial d'Andrea Riccardi pour l'hebdomadaire Famiglia Cristiana

Chaque jour ou presque, nous sommes assaillis par des nouvelles rapportant des attaques, des tensions, des attentats à la bombe, etc. Au Moyen-Orient, en Ukraine et ailleurs. Des nouvelles de guerre ou de prélude à une guerre plus importante. Ce scénario nous laisse sidérés. Il n'y a plus de cadre de référence pour pousser à la résolution des tensions actuelles, malgré les interventions de certains gouvernements. Tout est tellement imbriqué et les nœuds semblent se resserrer toujours davantage conduisant au réarmement, à les conflits sanglants et à l'élargissement du champ de ceux qui se battent. Même si, il faut le dire, ces jours-ci ne manquent pas non plus, ici et là, de fragiles manifestations de prudence de la part de ceux qui mesurent leur force. Mais le vrai problème est qu'a été éclipsée la culture de la paix, la vision qui a mûri dans les décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, au milieu de tant de contradictions. 

Les 6 et 9 août 1945 - dont nous célébrons l'anniversaire ce mois-ci - l'arme atomique a été utilisée pour la première fois dans l'histoire contre le Japon. Ne s'agit-il pas d'un souvenir édifiant ? Rien ou presque ne semble arrêter la course à la guerre, malgré les pauses et quelques réflexions. Il semble qu'on ne puisse plus imaginer la paix. Il n'y a que la guerre à l'horizon. Le dialogue et la diplomatie, activités nécessaires à la cohésion d'un monde multipolaire, se voient donc attribuer un rôle résiduel. La voie des armes et de la guerre est presque considérée comme acquise. Mais peut-on vraiment gagner une guerre aujourd'hui ? Peut-on gagner avec les armes puissantes existantes, les relations internationales complexes, la volonté des peuples, le terrorisme ? Que signifie gagner une guerre ? Les guerres engendrent des guerres et ne s'arrêtent pas. 

Comment s'est terminée la guerre occidentale menée en Afghanistan ? Des fleuves de réfugiés racontent l'échec de ce projet de victoire. Et en Irak ? En fait, si nous avons consommé toute vision de la paix, il n'y a même plus de vision de ce qu'est la guerre et de ce à quoi elle mène. Massimo Cacciari s'est interrogé avec lucidité : "Est-il possible de gagner la guerre ? Et les guerres doivent-elles être menées par des massacres et des destructions ? La guerre ne se gagne pas". Nazis, Soviétiques, Occidentaux avaient une idée de "leur" victoire et de "leur" ordre. Aujourd'hui, dans ce jeu aux multiples acteurs, on ne pense pas à la suite, mais on est de plus en plus pris dans le jeu de la guerre qui impose des mouvements et des contre-mouvements. Beaucoup disent que parler de paix est utopique. 

Mais cette guerre, dans laquelle nous risquons de nous embarquer, est un cauchemar : nous ne savons pas ce qu'elle sera, si ce n'est la mort et la destruction. Il faut imaginer la paix ! Pour mener à bien cette opération politique et culturelle, il convient de refroidir les situations incandescentes. La guerre et les initiatives agressives doivent être refroidies. Les trêves sont des instruments décisifs. Le chemin de la coexistence, sinon pacifique, du moins non combattue, est fait de compromis, mais aussi de respect retrouvé du droit international, des règles et des enceintes où s'exerce la politique internationale. Ce n'est pas la première saison de "folie" belliqueuse qui traverse l'histoire contemporaine. Mais ça n'a jamais été avec des armes aussi puissantes ! Les responsabilités sont différentes, mais il est encore plus clair que nous allons tous - faute de réaction - vivre un terrible bain de sang. Et puis des enfants mourront, signe de barbarie. Beaucoup sont déjà morts en Ukraine, en Israël, à Gaza, au Yémen, au Soudan et ailleurs. Même les enfants d'assassins - disait Elie Wiesel - sont des enfants, pas des assassins.

Editorial d'Andrea Riccardi dans l'hebdomadaire Famiglia Cristiana 8 août 2024

[traduction de la rédaction]


[ Andrea Riccardi ]