Pas d'avenir sans aînés. Appel international pour réhumaniser nos sociétés, contre une santé sélective

 « PAS D’AVENIR SANS AÎNÉS »
APPEL INTERNATIONAL POUR « RÉHUMANISER NOS SOCIÉTÉS »
CONTRE UNE « SANTÉ SÉLECTIVE »

Premier signataire Riccardi (Sant’Egidio), avec Prodi, Habermas, Sachs, Gonzalez, Pöttering, Zuppi, Bokova, De Rita et d’autres personnalités

C’est d’une inquiétude de la Communauté de Sant’Egidio sur l’avenir de nos sociétés – survenue ces jours-ci à l’occasion de la crise provoquée par le coronavirus – que part cet appel, traduit dans différentes langues et diffusé à partir d’aujourd’hui au niveau international (voir les premiers signataires à la fin).
Il s’adresse à tous, citoyens et institutions, pour un changement ferme des mentalités qui conduise à prendre de nouvelles initiatives, sociales et sanitaires, à l’égard des populations âgées.

APPEL
PAS D’AVENIR SANS AÎNÉS
Appel pour réhumaniser nos sociétés. Non à une santé sélective


Avec la pandémie du Covid-19 les personnes âgées sont en danger dans beaucoup de pays européens comme ailleurs. Les chiffres dramatiques des décès dans les institutions font frémir.

Il y aura beaucoup à revoir dans les systèmes de santé publique et dans les bonnes pratiques nécessaires pour rejoindre et soigner tout le monde avec efficacité, pour dépasser le placement en établissement.

Nous sommes préoccupés par les récits funestes des hécatombes qui se produisent dans les instituts pour personnes âgées
. L’idée s’installe qu’il est possible de sacrifier leurs vies en faveur d’autres vies. Le pape François parle à ce propos de « culture du déchet » qui retire aux personnes âgées le droit d’être considérées comme des personnes et fait d’elles un numéro et, dans certains cas, même moins que cela.

Dans beaucoup de pays d’Europe, face à l’exigence des soins, nous voyons apparaître un modèle périlleux qui privilégie une «santé sélective», tenant pour résiduelle la vie des personnes âgées
. Leur plus grande vulnérabilité, l’avancée en âge et les autres pathologies possibles dont elles sont porteuses justifieraient une forme de « choix » en faveur des sujets plus jeunes et plus sains.

Se résigner à une issue de cette sorte est humainement et juridiquement inacceptable
. Cela l’est également dans une vision religieuse de la vie, mais aussi dans la logique des droits de l’homme et de la déontologie médicale. Aucun « état de nécessité » ne peut être accepté qui légitimerait ou codifierait des dérogations à de tels principes. La thèse qu’une espérance de vie plus courte comporte une diminution « légale » de sa valeur est, d’un point de vue juridique, une barbarie. Que cela advienne par le moyen d’une imposition (par l’État ou par les autorités sanitaires) extérieure à la volonté même de la personne représente une expropriation intolérable de plus des droits de l’individu.

L’apport des personnes âgées continue d’être l’objet d’importantes réflexions dans toutes les civilisations. Il est fondamental dans la trame sociale de la solidarité entre les générations. Nous ne pouvons pas laisser mourir la génération qui a lutté contre les dictatures, qui a peiné pour reconstruire après la guerre et qui a construit l’Europe.

Nous croyons qu’il est nécessaire de réaffirmer avec force les principes de l’égalité de traitement et du droit universel aux soins, conquis au cours des siècles. Le moment est venu de dédier toutes les ressources nécessaires à la sauvegarde du plus grand nombre de vies et d’humaniser l’accès aux soins pour tous. Que la valeur de la vie reste la même pour tous. Celui qui méprise l’existence fragile et faible des plus âgés se prépare à dévaluer toutes les existences.

Par cet appel, nous exprimons notre douleur et notre inquiétude devant le nombre excessif de morts de personnes âgées ces derniers mois et nous appelons de nos vœux une révolte morale afin qu’un changement de direction s’opère dans le soin réservé aux aînés, afin surtout que les plus vulnérables ne soient jamais considérés comme un poids ou, pire, comme inutiles.


Premiers signataires:

Andrea Riccardi, historien, fondateur de la Communauté de Sant’Egidio

Romano Prodi, ancien président du Conseil des ministres de la Commission européenne

Jeffrey D. Sachs, directeur de UN Sustainable Development Solutions Network

Aleksandra Dulkiewicz, maire de Gdansk, Pologne

Simonetta Agnello Hornby, écrivain, Royaume-Uni

Manuel Castells, professeur de sociologie de l’Université de Californie Berkeley, Espagne

Irina Bokova, ancienne directrice générale de l’UNESCO, membre du Haut comité pour la fraternité humaine, Bulgarie

Mark Eyskens, ancien premier ministre belge

Hans Gert Pöttering, ancien président du Parlement européen, Allemagne

Felipe González Márquez, ancien premier ministre espagnol

Marie De Hennezel, psychologue, France

Jean-Pierre Denis, directeur de l’hebdomadaire La Vie, France

Card. Matteo Zuppi, archevêque de Bologne

Adam Michnik, essayiste, directeur de Gazeta Wyborcza, Pologne

Michel Wieviorka, sociologue, président de la Fondation Maison des Sciences de l’Homme de Paris, France

Giuseppe De Rita, fondateur de CENSIS

Stefania Giannini, directeur général adjoint de l’UNESCO

Maria Antónia Palla, journaliste, Portugal

Navi Pillay, juge, président ICDP, Afrique du Sud

Annette Schavan, ancienne ministre fédérale allemande de l’Éducation et de la recherche, Allemagne

Jürgen Habermas, philosophe, Allemagne