LA LETTRE REMISE AU PRÉSIDENT
Cher Président,
Nous sommes des enfants et des jeunes qui habitent en Italie. Nos visages et nos histoires sont très différents, comme le sont les cultures de nos familles. Ensemble nous fréquentons l'école de la paix de la Communauté de Sant’Egidio, où nous avons appris que, devant un enfant différent de nous, nous pouvons ne pas nous contenter de le tolérer et de le respecter, mais aussi devenir amis !
Nous avons découvert que la loi dit que certains d'entre nous ne sont pas des citoyens italiens car leurs parents sont nés dans un autre pays. Nos mamans et nos papas - c'est vrai - ont fait, il y a quelques années, un long voyage pour arriver en Italie. Nos grands-parents habitent encore dans des pays lointains et nous les entendons au téléphone même si quelquefois nous avons du mal à comprendre leur langue. Mais si notre passé se trouve en Amérique Latine, en Afrique, en Asie, notre présent est ici, en Europe, et c'est ici que nous pensons notre avenir.
Nous sommes nés en Italie. C'est dans ce pays que nous avons nos amis et que nous nous sentons chez nous : nous aimons manger la pizza et les spaghetti au moins autant que le kebab et le couscous et, il y a quatre ans, à la coupe du monde de football, nous avons crié de joie ensemble pour la victoire de l'équipe italienne ! Vraiment, nous ne nous sentons pas différents des autres.
Cher Président, il y a cent cinquante ans, c'est précisément de cette ville qu'est partie l'expédition qui donnerait à des personnes différentes le même nom d'Italiens : c'était un rêve qui se réalisait.
Quatre-vingts ans plus tard encore, d'autres Italiens ont combattu pour ne pas renoncer à cette unité et pour réaliser un autre rêve commun : celui de liberté et de la démocratie.
Nous sommes petits, mais devant vous, qui représentez ce pays, nous voudrions dire que nous aussi aujourd'hui nous avons un rêve.
Pour nous, être italiens, ce n'est pas seulement une question de papiers, cela veut dire aimer cette terre et vouloir nous engager à la rendre meilleure. C'est une nouvelle bataille pour l’unité et la liberté, une nouvelle bataille que nous voulons mener sans violence, mais avec les armes du dialogue et de l’amitié.
Nous rêvons d'une Italie qui ne soit plus blessée par l'individualisme, divisée en factions, effrayée par ceux qui semblent être différents. Une Italie capable d'accueillir ceux qui l'aiment - indépendamment de leur couleur de peau - qui veulent travailler pour le bien de tous.
Vraiment, en ce sens, nous nous sentons déjà italiens, Monsieur le Président, mais nous voudrions que nous et beaucoup d'enfants et d'adolescents comme nous puissent être reconnus par tous comme des citoyens : nous en serons heureux et fiers. C'est pourquoi, nous, jeunes et adultes de l'école de la paix de la Communauté de Sant’Egidio, nous nous impliquons ces mois-ci pour sensibiliser l’opinion publique afin que, si une nouvelle loi sur la nationalité se fait, il soit tenu compte de notre réalité. Nous n'avons pas de grands moyens et nos forces sont limitées : nous avons besoin de votre aide ! C'est la raison pour laquelle nous vous demandons d'être à nos côtés, et déjà le fait de vous rencontrer est pour nous un très grand honneur : même si nous ne sommes pas encore citoyens italiens, pour nous - si vous le permettez - vous êtes déjà notre Président !
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