Intervention d'Irma, personne âgée romaine, durant la visite du pape François à Sant'Egidio

16 Juin 2014

Personnes âgéesSant'EgidioPape François

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VISITE DU PAPE FRANÇOIS À LA COMMUNAUTÉ DE SANT’EGIDIO

Rome 15 juin 2014

Intervention d’Irma

 

Saint Père,

 

Je m’appelle Irma, j’ai 90 ans.

Je voudrais avant tout vous remercier pour votre affection envers les personnes âgées, pour les nombreux discours que vous avez consacrés à leur défense. Ce ne sont pas des discours que l’on a l’habitude d’entendre. Ce qui domine, malheureusement, c’est la culture du rebut. Or l’âge de la vieillesse n’est pas l’âge du rebut. Je puis en témoigner. Quand j’ai commencé à vieillir, je ressentais la tristesse du déclin : les enfants étaient devenus grands, les petits-enfants avaient grandi... Les journées étaient longues et vides, peu d’engagements, peu de rencontres... Je me sentais un peu inutile. Il m’arrivait parfois de me tourner vers le passé avec nostalgie, regrettant le temps de ma jeunesse. C’est à ce moment précis, il y a plus de vingt ans, que j’ai rencontré la Communauté de Sant’Egidio.

J’ai commencé à aller rendre visite aux autres personnes âgées comme moi, placées en institut. Je n’avais jamais pensé à tous ceux qui sont obligés de finir leurs jours ainsi, loin de chez eux, oubliés. Je n’oublierai jamais la phrase d’une vieille dame : « Quel mal ai-je fait ? Pourquoi suis-je ici ? »

Combien de personnes âgées souffrent parce que personne, pas même l’Église, ne leur répond ! Même les prêtres les négligent. Depuis des années, chaque semaine, je prie avec elles. Beaucoup de personnes âgées se demandent : « A quoi sert ma vie désormais ? Ne suis-je qu’un poids ? »

La prière est notre service le plus important. Elle nous permet d’arriver loin, même quand nous ne parvenons plus à marcher seuls, de soutenir celui qui est malade, les pauvres, les prisonniers, les condamnés à mort, ceux qui sont en guerre. Dans la prière, même celui qui est très faible peut aider. Tout le monde a besoin de prier, même quand on ne le sait pas très clairement. Aujourd’hui, je suis une personne fragile ; j’ai besoin d’être accompagnée et aidée, je ne peux pas aller où je veux, comme avant. Mais je ne ressens pas cela comme une condamnation. J’ai appris, en tant que personne âgée, que la véritable condamnation, à tout âge, c’est de devoir marcher seul dans la vie.

Il y a aussi des jeunes qui viennent avec moi retrouver les personnes âgées en institut. Ils m’accompagnent et je les accompagne : quand ils ne savent pas bien comment faire, je leur donne quelques conseils… en tant que grand-mère, ou plutôt, arrière-grand-mère ! Rencontrer ceux qui sont plus pauvres m’a beaucoup aidée. Cela a rempli ma vie. Cela a également renforcé ma foi, parce que cela m’a fait mieux connaître Jésus. En effet, s’approcher des pauvres signifie véritablement toucher, comme vous l’avez dit, la chair du Christ.

En tant que personne âgée, je peux dire que je comprends mieux qu’hier le secret de la vie : « Il y a plus de joie à donner qu’à recevoir » (Actes 20, 35). C’est une vérité profonde qui nous explique pourquoi tant de fois nous sommes tristes : donner aux autres rend heureux.