La guerre semble avoir été réhabilitée comme un moyen d'atteindre ses objectifs ou de résoudre des conflits, tandis que la paix est trop souvent considérée comme un rêve de belles âmes ou une utopie du passé.
Deux ans de guerre en Ukraine nous ont-ils appris quelque chose ? La guerre semble avoir été réhabilitée comme un moyen d'atteindre ses objectifs ou de résoudre des conflits, alors que la paix est trop souvent considérée comme un rêve de belles âmes ou une utopie du passé.
Il n'y a pas d'issue à l'étau qui enserre les Ukrainiens : bombardements, réfugiés, morts, blessés, mutilés.
En deux ans, de nouvelles guerres ont éclaté. Depuis le 15 avril 2023, avec la bataille de Karthoum, au Soudan, c'est la guerre entre les forces armées et les Forces de soutien rapide, les paramilitaires du général Dagalo, dits Hemedti, tandis qu'un million et demi de Soudanais ont fui à l'étranger. Le 7 octobre, l'attaque terroriste du Hamas contre Israël a violemment ravivé le conflit israélo-palestinien : plusieurs otages israéliens sont toujours détenus et Israël combat le Hamas à Gaza, où sont concentrés plus de deux millions de Palestiniens.
En Afrique, le mythe de l'anticolonialisme sous-tend l'opposition de plusieurs pays à l'Occident et l'ouverture à la présence militaire russe qui en découle, comme en Guinée Conakry, au Burkina Faso, au Niger, tous dirigés par des militaires. Le terrorisme djihadiste mondial a désormais le Sahel pour épicentre, exploitant la faiblesse des États de la région. Le nord du Mozambique est menacé par la guérilla islamiste, qui trouve peu de résistance dans la faible armée mozambicaine. D'autres crises sont ouvertes dans le reste du monde. Il suffit de citer la Syrie, pays meurtri par plus de dix ans de combats sanglants, qui n'a toujours pas trouvé la paix.
Le monde n'est pas seulement marqué par de graves crises, il a perdu la paix comme horizon des relations entre les pays. Les discours belliqueux se multiplient. De grands pays, comme la Russie, les États-Unis, s'alignent d'une manière ou d'une autre dans les conflits ou s'y impliquent. Il en va de même pour les pays européens. La jonction des conflits entre eux est impressionnante : de la crise israélo-palestinienne au Yémen en quelques mois. On craignait une aggravation de la crise à cause de l'initiative du Hezbollah libanais, mais cela ne s'est pas produit. Pendant ce temps, trop de haine circule dans le monde : l'antisémitisme qui se ravive, la violence contre les chrétiens pour affirmer une identité radicale, l'opposition aux migrants comme envahisseurs, l'identification de l'homme blanc à l'ancien colonialiste...
Il y a en nous, dans nos pays européens, confortés par tant de décennies de paix, peu impliqués dans les conflits sauf à distance, une paresse qui ne nous permet pas de voir les risques, secoués tout au plus par quelque action terroriste. Mais l'avenir ne ressemblera pas au passé. La situation est explosive : il n'est pas facile de continuer à vivre en paix au milieu de tant de foyers de guerre, qui risquent de communiquer le feu, ou au milieu de tant de haines et d'oppositions de peuples qui, bien que rapprochés par la mondialisation, se sentent éloignés, se haïssent, ne pensent pas ensemble. Les guerres s'éternisent, elles risquent donc de s'élargir.
On peut s'interroger quant à l'avenir de la guerre en Ukraine : une guerre plus importante que celle en cours ou l'abandon de l'Ukraine à elle-même, comme ce fut le cas pour l'Afghanistan (après vingt ans d'engagement militaire et de nombreux morts) ? Les "tensions unitives" sont oubliées, alors qu'elles ont été si importantes pour surmonter les distances. L'œcuménisme traverse également une grave crise. Les orthodoxes russes et le patriarcat de Constantinople ont rompu leurs relations au sujet de la reconnaissance de l'Église autocéphale ukrainienne. Les Russes et les Coptes ont revu leurs relations avec Rome après la déclaration Fiducia supplicans.
Pourtant, avec la révolution mondiale, avec l'expérience également mondiale de la pandémie, nous avons maintenant la perception que "nous sommes tous dans le même bateau", comme l'avait dit de manière poignante le pape François à un moment difficile de l'épidémie de Covid. Nous ne pouvons pas laisser le monde sombrer dans une guerre encore plus grande. Il y a certes de nombreuses "batailles" à mener : il y a la communauté internationale à reconstruire. Il faut relancer une grande initiative de paix, restaurer les ponts, faire prendre conscience que la guerre est une défaite pour tous.
C'est dans cette direction que va le pape François, critiqué par tant de ceux qui prennent parti dans une logique de guerre, y compris des catholiques qui ont oublié combien le pape est une grande ressource pour un monde plus humain et une Église plus évangélique. Pourtant, il y a encore tant de potentiel diplomatique, intellectuel, humain, spirituel dans le monde pour reconstruire les relations internationales dans le sens de la paix, pour obliger ceux qui font la guerre à s'arrêter et montrer aux petits et aux grands que la paix est l'intérêt commun.
[ Andrea Riccardi ]
