Lorsqu’aller à la messe est un acte de courage. Editorial d’Andrea Riccardi

Lorsqu’aller à la messe est un acte de courage. Editorial d’Andrea Riccardi

Les chrétiens sont frappés parce que leur douceur est une protestation vivante contre ceux qui alimentent la logique de la haine.

Quelque chose d'atroce s'est produit la semaine dernière à Owo, dans l'État d'Ondo, au sud-ouest du Nigeria. Un groupe armé a tiré et lancé des bombes dans l'église catholique St Francis Xavier. Une Pentecôte de sang est tombée sur un peuple en prière. Frapper une communauté en prière est quelque chose d'horrible, parce que c'est un peuple sans défense.

C'est aussi un acte blasphématoire, car à ce moment-là, les croyants ne comptent que sur Dieu. Récemment, au Nigeria, les attaques contre les chrétiens, qui représentent 46 % de la population (contre 53 % de musulmans), se sont multipliées. Les chrétiens commencent à se sentir en danger et non protégés par le gouvernement majoritairement musulman du Nord.

Qui a mené cette attaque lâche ? Elle a été attribuée aux Peuls (mais la matrice n'est pas certaine), peuple musulman et souvent radicalisé qui, en tant que bergers, est souvent en conflit avec les agriculteurs. La désertification les pousse vers le sud, où les terres sont cultivées par les Yoruba, la population d'Ondo majoritairement chrétienne.

Beaucoup ont fait valoir qu'il ne s'agit pas d'une guerre de religion, car le conflit a des motivations matérielles. Tout d'abord, les observateurs notent les techniques élaborées de l'attaque terroriste et avancent l'hypothèse qu'il s'agit de djihadistes proches de l'Etat islamique, rares chez les Peuls. Ce n'est peut-être pas une guerre de religion, mais c'est certainement une guerre qui vise les communautés et les symboles religieux. C'est une guerre qui se veut religieuse, même si elle est blasphématoire. La haine dirigée contre les chrétiens motive et légitime une violence non motivée. Pourquoi attaquer une communauté sans défense, en prière ?

Dans diverses régions d'Afrique et dans d'autres pays du monde, aller à la messe le dimanche est devenu un acte de courage. C'est surprenant pour nous, chrétiens européens, appelés à réfléchir sur le sort de nos frères et sœurs. Il y a des risques en Égypte, où les églises coptes sont attaquées. De même en Irak. Les dimanches ont été tout aussi sanglants au Pakistan ou au Sri Lanka, pour ne citer que quelques exemples. Pourtant, les chrétiens ne se comportent pas de manière agressive envers les autres : ils sont pacifiques et mènent une vie bonne et ouverte envers tous. Souvent, leur solidarité s'étend également aux non-chrétiens. En effet, les communautés chrétiennes sont des îlots de paix dans des situations tendues. Pourquoi alors sont-ils frappés ? Il y a sans aucun doute l'effet médiatique mondial recherché par les terroristes.

On ne peut nier la volonté de terroriser les chrétiens et de les pousser à la marge de la société. Mais il y a aussi la haine envers les femmes et les hommes de paix, qui ne prennent pas les armes, qui ne se vengent pas (comme le recommandait l'évêque catholique d'Owo à ses fidèles). Leur douceur et leur vie pacifique sont une réfutation vivante opposée à ceux qui nourrissent des desseins de pouvoir par la violence et de ceux qui alimentent la logique de la haine.

En ce sens, il s'agit d'une guerre terroriste contre leur douce façon de vivre la religion. C'est peut-être pour cela qu'ils frappent les chrétiens. Jean-Paul II a parlé des "nouveaux martyrs" du XXe siècle. Il les a commémorés lors du Jubilé de l'an 2000. Aujourd'hui, cette histoire douloureuse se poursuit : une traînée de sang a marqué les deux premières décennies du XXIe siècle. Mais ce siècle a lui aussi été marqué par la résistance au mal d'un peuple de paix, les chrétiens, qui ne renoncent pas à prier malgré les risques sérieux encourus pour leur vie.

Editorial paru dans l'hebdomadaire Famiglia Cristiana du 19/6/2022

[traduction de la rédaction]


[ Andrea Riccardi ]