23 guerres en cours: voyage au cœur de la souffrance du monde

23 guerres en cours: voyage au cœur de la souffrance du monde

Editorial d'Andrea Riccardi

Alep (Syrie) détruite par la guerre - Photo par Wikimedia Commons

Pour les chrétiens, la paix est une mission ancienne : c'est pourquoi ils doivent se souvenir de tous les peuples blessés par la violence et la haine.

Il n'y aura malheureusement pas de trêve de Noël entre l'Ukraine et la Russie. On l'espérait beaucoup. Les racines chrétiennes communes des deux peuples, nées avec le baptême de la Rus et vécues depuis longtemps dans la communion de la même Église orthodoxe, auraient dû favoriser cette démarche. La guerre risque donc d'être sans fin. Noël, pour les chrétiens, évoque la paix. 

L'expression la plus forte du mal est la guerre. Pourtant, elle domine nos journées. Pas seulement en Ukraine. Le conflit ukrainien nous concerne, nous Européens, en raison de notre proximité géographique et des réfugiés qui se trouvent parmi nous.

Il y a bien d'autres guerres dans le monde : pas moins de 23 conflits actifs de haute intensité, auxquels il faut ajouter d'autres situations de tension ouverte ou latente. Dans le Haut-Karabakh, Arméniens et Azéris connaissent de dangereuses tensions après que des affrontements ont contraint l'Arménie à se retirer d'une partie de la région. Les Azéris ont bloqué l'approvisionnement en gaz et les liaisons routières avec l'Arménie. La Turquie prépare une intervention contre les Kurdes en Syrie, les accusant de complicité dans un attentat à Istanbul : que deviendront-ils après avoir résisté à Daesh ? 

Après tout, la Syrie n'a pas connu la paix depuis plus de dix ans, même si la sécurité est désormais plus grande dans les grandes villes. Il y a des jeunes qui n'ont connu que la guerre dans leur vie, cette guerre qui a éclaté en 2011 et n'a jamais pris fin. Dans ce monde global où les interférences politiques sont nombreuses et les armes puissantes, souvent, les conflits ne prennent pas fin. La paix, une fois perdue, est difficile à retrouver. Le Yémen le sait bien : champ de bataille entre les Houtis chiites soutenus par l'Iran et les sunnites, soutenus militairement par l'Arabie saoudite depuis 2015. Les groupes djihadistes et autres forces militaires prolifèrent. Le monde ignore la douleur des Yéménites meurtris par les affrontements armés, les mines non explosées et la faim, la grande faim. La situation est dans l'impasse, alors qu'une si grande partie du pays (y compris son patrimoine artistique) a maintenant été détruite. 

Les guerres détruisent l'humanité : les êtres vivants, leur histoire, leur culture. Je pense au Tigré, une terre merveilleuse en raison de ses vestiges chrétiens : les troupes éthiopiennes combattent les Tigréens avec les Erythréens et les troupes de divers groupes ethniques éthiopiens. Pendant ce temps, l'Éthiopie s'effiloche, seul pays africain à avoir une longue histoire indépendante, un rempart dans les relations internationales du continent. La Corne de l'Afrique est une zone d'instabilité dangereuse. La Somalie, État en faillite, est livrée à une violence sans fin : d'abord celle des islamistes radicaux d'Al-Shabaab. L'islamisme radical est au cœur de nombreuses crises : au Mali, au Burkina Faso et dans d'autres pays. Il ne s'agit pas seulement d'une question religieuse, mais la violence fondamentaliste se développe sur le terrain des conflits ethniques et sociaux. C'est ce qui se passe dans le nord du Mozambique, pays qui a célébré cette année les 30 ans de la paix retrouvée en 1992. Aujourd'hui, près de 800 000 Mozambicains ont fui la menace terroriste du Nord. 

Ce "voyage" dans la douleur des guerres à travers le monde passe à côté de nombreuses autres situations. À Noël, cependant, il faut se souvenir des noms des pays et des terres en guerre. 

Un chrétien n'aura pas la paix tant que le monde ne sera pas en paix. Nous vivons - dit le pape François - une "guerre mondiale en morceaux". Avec la prière, la mémoire, l'action, chacun peut faire quelque chose. Afin que se réalise la parole d'Isaïe, lue dans la liturgie de la nuit de Noël : "Les bottes qui frappaient le sol et les manteaux couverts de sang, les voilà tous brûlés...". 

Les chrétiens de notre siècle, héritiers du vingtième siècle qui a connu d'immenses massacres, des guerres et la Shoah, ont une sensibilité particulière pour la paix : c'est une mission ancienne. Clément d'Alexandrie enseignait : "les chrétiens sont eirenikon genos", une race pacifique. Des personnes pacifiques qui rappellent au monde que la paix est toujours possible et surtout nécessaire.

Editorial d'Andrea Riccardi paru dans Famiglia Cristiana du 25/12/2022
[traduction de la rédaction]


[ Andrea Riccardi ]