Covid, guerre, inégalités: l'Afrique vit sans assurance. Editorial de Marco Impagliazzo
MONDE

Covid, guerre, inégalités: l'Afrique vit sans assurance. Editorial de Marco Impagliazzo

paru dans l'Avvenire

En Italie et en Europe, nous nous inquiétons à juste titre de savoir comment et quand les fonds du Plan National de Relance et de Résilience seront dépensés. Mais dans une grande partie du monde, comme en Afrique, il y a ceux qui n'ont pas la chance de recevoir une aide d'une telle ampleur, conçue comme un moyen de résilience face à la grave crise économique déclenchée d'abord par la pandémie, puis par la guerre en Ukraine. Ces deux événements ont rapidement dégradé les conditions de vie de chacun, mais ils ont aussi fait croître à une vitesse incroyable les inégalités entre ceux qui sont (de plus en plus) riches et ceux qui sont (de plus en plus) pauvres. Entre le Nord et le Sud et à l'intérieur d'un même pays.

Certes, les formes que prennent aujourd'hui les inégalités sont d'une complexité sans précédent et traversent différents groupes : elles touchent les revenus et la richesse, le travail et les classes, le sexe et l'origine ethnique, l'éducation et les conditions sociales, les compétences et les comportements individuels. Mais elles touchent surtout un continent, l'Afrique, dont la Journée mondiale a été célébrée le 25 mai, date marquant la fondation de l'Organisation de l'Unité Africaine.

Pour comprendre le poids de la pandémie, il suffit de penser qu'elle a peut-être effacé une grande partie des gains réalisés par les pays en développement au cours du dernier quart de siècle et qu'elle a certainement entraîné, selon le rapport sur les inégalités dans le monde, "l'augmentation la plus rapide jamais enregistrée de la part de la richesse des milliardaires dans le monde".

Au début, on pouvait penser que cela ne se produirait pas ainsi. Fin avril 2020, les pays à revenu faible ou intermédiaire (84 % de la population mondiale) n'avaient enregistré que 14 % des décès dus au Covid19. Au lieu de cela, dans la phase suivante de la pandémie, le coronavirus a pénétré, lentement mais uniformément, en Asie du Sud, en Amérique latine, puis en Afrique. La densité sur les lieux de travail et dans les foyers, associée à de mauvaises conditions d'hygiène, constituait un mélange hautement inflammable. Dans de nombreux pays en développement, une grande partie de la population gagne à peine de quoi se nourrir et nourrir sa famille chaque jour. Les gouvernements ont donc dû résoudre un dilemme : s'ils arrêtaient l'économie, les gens mourraient de faim ; s'ils la maintenaient en activité, le virus se propagerait.

Même si elle était destinée à sauver des vies, la fermeture de la quasi-totalité des activités a entraîné un effondrement économique qui, paradoxalement, a exacerbé les problèmes de santé, la faim et la dépression. À la paralysie a succédé l'inévitable crise de la dette. Dans les pays riches, les lourds dégâts ont été atténués par des dépenses publiques massives. Mais pour les pays pauvres, déjà lourdement endettés, c'est bien pire : dans les premiers mois de la pandémie, plus de cent milliards de dollars ont fui les marchés émergents.

Pour maintenir leur économie à flot, ces pays ont emprunté en dollars à des taux d'intérêt élevés, qu'ils devront rembourser avec des monnaies qui se déprécient rapidement. Avec la pandémie, des décennies de travail ont été réduites à néant en quelques mois. De nombreuses études estiment qu'entre 70 et 430 millions de personnes vont retomber dans l'extrême pauvreté dans les prochaines années. Ainsi, l'inégalité la plus essentielle, celle entre les plus riches et les plus pauvres de la planète, s'est à nouveau creusée à grande vitesse.

Et maintenant, la guerre. Les conséquences du conflit ukrainien, notamment en Afrique, sont dévastatrices. Les Africains semblent dire "ça suffit !" avec ce conflit, car la guerre fait grimper les prix de l'énergie et des produits de première nécessité, à commencer par les denrées alimentaires. Vue d'Afrique, la guerre en Ukraine est un double malheur et un fardeau souvent insupportable, comme pour les pays qui souffrent déjà de la sécheresse ou de crises internes. Un proverbe africain dit : "Quand les éléphants se battent, c'est l'herbe qui souffre".

Les Africains savent que si les accords de Paris sur le réchauffement climatique - dont l'Afrique est responsable à hauteur d'un maigre 3 % - ne sont pas mis en œuvre, supplantés par les exigences de la guerre, c'est leur continent qui le premier en subira les conséquences. Et les inégalités multiplieront la crise environnementale. La troisième guerre mondiale par morceaux concerne aussi dramatiquement l'Afrique, non seulement parce qu'elle se déroule en partie sur son territoire, mais aussi en raison des retombées de la crise mondiale sur la fragilité de ses économies.

[traduction de la rédaction]


[ Impagliazzo Marco ]