« C’est un tournant historique ! » Valeria Martano, membre de Sant’Egidio à Rome qui a ardemment travaillé aux négociations entre le gouvernement des Philippines et la rébellion musulmane de Mindanao, dans le sud de l’archipel, ne cache pas sa joie. Car la signature de l’accord final, qui doit avoir lieu aujourd’hui dans le palais présidentiel à Manille, en présence de 1 200 ministres, parlementaires, et représentants tribaux de Mindanao, met un terme à quatre décennies de guérilla sanglante (1) et à dix-sept années de négociations, plusieurs fois suspendues.
Ces négociations ont été menées avec la médiation officielle de la Malaisie : d’ailleurs, le préaccord politique signé mardi 25 janvier pour l’autonomie du Bangsamoro (région de Mindanao) l’avait été à Kuala Lumpur, la capitale malaisienne. Elles ont été menées aussi avec le soutien de Sant’Egidio, communauté catholique reconnue pour son rôle de médiateur dans de nombreux conflits.
Sant’Egidio, qui représentait la société civile philippine, a notamment permis le contact avec la Muhammadiyah, seconde grande organisation musulmane indonésienne qui a pesé de tout son poids pour parvenir à cet accord. Car, au départ, « plusieurs partis musulmans de Mindanao refusaient l’accord », explique Valeria Martano.
Autonomie du Sud
L’accord final, entre le gouvernement et les dirigeants du Front moro islamique de libération (Milf), prévoit donc l’autonomie du Sud, largement musulman, dans un pays catholique à 80 %. Or, les cinq millions de musulmans philippins (sur près de 100 millions d’habitants) ayant toujours considéré le territoire de Bangsamoro comme leur terre ancestrale, le Milf a lutté pour l’indépendance, avant d’accepter finalement la création d’une région autonome, correspondant à 10 % du territoire philippin. Selon Ghazali Jaafar, vice-président du MilfILF, « l’accord met fin aux combats sur Mindanao », devenue l’une des régions les plus pauvres et les plus corrompues du pays.
« Depuis janvier dernier, on a travaillé sur les annexes, pour détailler les pouvoirs du futur parlement régional et la répartition des eaux territoriales, des impôts, de la police… », poursuit Valeria Martano, qui rappelle que la défense restera une prérogative du gouvernement central. Quant à Mgr Orlando Quevedo, l’archevêque de Cotabato, diocèse du centre de l’île de Mindanao, engagé depuis longtemps dans la promotion de l’amitié entre chrétiens et musulmans afin qu’ils vivent ensemble dans la paix, il a été créé cardinal samedi 22 février. Une manière pour le pape François de soutenir les efforts de paix dans cette région.